Le pillage mémoriel d’Éric Zemmour et Emmanuel Macron
Billet d'humeur : le 30 novembre dernier, Zemmour et Macron ont accompli l’une des plus grosses entreprises de récupération symbolique de ces dernières années. Comment la France peut-elle se laisser déposséder d’autant de figures à la fois ?
France, mardi 30 novembre 2021, la cinquième vague du virus frappe le pays et avec elle approche le grand froid de l’hiver : des milliers de personnes se sont réveillées dans la rue, l’ambiance est morose. Soudain, vers les coups de midi, la nouvelle tombe : Éric Zemmour annonce sa candidature à l’élection présidentielle. Il était temps… on dit que les rats qui financent sa campagne quittent le navire.
Fébrilement, je sors mon téléphone, j’allume Youtube et je cherche la vidéo. Ça sera l'émission qui accompagne le sandwich du midi. Mauvais choix, ça m'a foutu la nausée.
Pendant dix minutes et onze secondes, le nabot du Figaro se livre à la plus grosse OPA de l’histoire de France. Il a choisi comme fond sonore la 7ème de Beethov’, une symphonie patriotique… allemande, rédigée contre la guerre menée par Napoléon contre le Saint-Empire. Si l’on pardonne volontiers au bon Ludwig on peut se demander ce que Zemmour a voulu exprimer. Simple inculture ou soumission subliminale à la Bundesbank ? Allons Éric, encore un effort pour être bonapartiste.
Passons. Zorglub enchaîne avec l’homélie du père Renaud Camus, la France est infestée de l'intérieur ! Le style se veut « Appel du 18 juin » mais le pastiche vire très vite à la parodie. Le travailleur immigré s’est substitué au soldat SS. Du Général à un petit éditorialiste, on a les ennemis qu’on mérite. Le tableau d'ensemble est donné : la terreur, la guerre civile entre pauvres. Merci Castaner et Darmanin pour les images chocs.
Éric s’improvise alors nécromancien. Il appelle à ses côtés Jeanne d’Arc, Louis XIV et le Général de Gaulle. Il réconcilie Hugo avec Chateaubriand, Pascal avec Descartes, les Misérables avec Versailles, Voltaire avec Rousseau. Il invoque Jean Moulin, Gabin, Belmondo, Brassens, Bardot et tant d’autres. Les images défilent, je reste bouche bée. Le salaud, il nous a tout pris ! Il finit par m’achever en reprenant à son compte la formidable formule de Louis Daquin, réalisateur communiste et syndicaliste CGT : « nous continuons la France ! »
Ces figures étaient les nôtres, c’était notre héritage, notre patrimoine. Je n’en reviens pas. Ces images sont celles que j’ai toujours rêvé de voir dans un clip du Parti communiste français. C’était notre rôle en tant que travailleur collectif que de porter la mémoire de ces grands hommes et de ces grandes femmes qui ont fait la France. On était censés accomplir l’histoire de France, réconcilier la France éternelle, la France des travailleurs et la France de Mai 68 dans la République Sociale et voilà qu’avant même d’être entré en guerre un journaliste malingre nous désarme.
Dans la soirée, son rival à la candidature de la monarchie présidentielle récidive. Zemmour a porté le coup de grâce, le rapace Macron vient se repaître de son cadavre en grande pompe : il inaugure la rentrée de Joséphine Baker au Panthéon. Sa France, dit-il, c’est la France de Joséphine. J’enrage. La gôche a vendu la France sur les marchés aux esclaves de la promotion mémorielle. À force de tout « annuler » elle a repoussé la France dans les bras velus de la Bête Sauvage. Non ! Impossible ! Je refuse ! Comme Bérenger, « je ne capitule pas ! » Le sein de Marianne ne sera pas recouvert d’une chemise brune.
Nous ne devons rien céder. Notre histoire ne leur appartiendra jamais. La razzia ne passera pas. Plus que jamais revendiquons contre le petit Zizi misogyne notre Jeanne d’Arc, symbole du courage des femmes françaises et de la lutte contre la théocratie. Face au Zéro absolu qui souhaite diviser la France entre chrétiens et musulmans nous revendiquons l'œuvre unificatrice de Henri IV. En Résistance au(x) néo-faciste(s) qui réhabilitent Pétain brandissons le de Gaulle de la France Libre ! La France éternelle te méprise.
Zemmour hait la Révolution Française alors ressortons le rasoir républicain et faisons-lui une nouvelle coupe signée Voltaire et Rousseau. Que Quasimodo descende des tours de Notre-Dame et que les romantiques reviennent d’outre tombe pour bouter le rat des plateaux télés hors de France. Tous derrière le cogito du mousquetaire et les équations du mathématicien contre l’obscurantisme néo-positiviste. Debout Causette ! Réveille Gavroche et déclarez la Commune de Versailles ! La France intellectuelle et littéraire te dédaigne.
Zemmour, jamais tu ne récupéreras le père du Conseil National de la Résistance. Jean Moulin est mort pour que des gens comme toi ne voient plus la face du monde. Ta simple existence souille son sacrifice. Gabin t’aurait foutu une torgnole. Son cinéma c’était celui du réalisme poétique français qui a accompagné le Front Populaire bien loin de tes salons parisiens. Laisse reposer Belmondo en paix. La France paradisiaque de Pierrot le Fou c’est la France permise par les conquêtes de la classe ouvrière. Ta France c’est celle de l’austérité et de la soumission à la dette. La France populaire se moque de tes manies.
Tu prétends t’opposer aux wokes mais tu n’es que le revers de la médaille, un postmoderne qui agite des signifiants vides sans jamais parler du référent. Clouscard, auquel tu n’as définitivement rien compris, l’avait bien montré. Fous la paix à Bardot, elle se défendra bien toute seule contre cette puritaine de Camélia Jordana. La libération sexuelle, que tu es loin d’incarner, n’a pas attendu tes sauteries avec la petite Knaffo. Pour le reste Brassens l’anarchiste nous a laissé suffisamment de gauloiseries paillardes et populaires pour renvoyer les wokes de l’autre côté de l’atlantique. L’honneur de Rabelais est sauf et le génie frivole des français t'invite à aller voir ailleurs.
Quant à toi Macron, l’éborgneur, le mutilateur, l’assassin des Gilets Jaunes. Le va-t-en guerre et le toutou de l’impérialisme américain. Tu sauras que de là où elle est, Joséphine sirote un rhum avec son ami Fidel Castro et se joue bien de tes gesticulations visant à redorer ton image de tortionnaire. « Ta » Joséphine n’est pas la nôtre, celle qui écrivait : « j’aime les Cubains et je m’intéresse à Cuba. Je voulais vivre la révolution cubaine et la voir de mes propres yeux. Vous devrez m’excuser mais je ne crois pas ce que les journalistes écrivent. Je n’ai pas de vraies idées préconçues, mais je crois qu’ici les Cubains travaillent pour l’humanité. Je ne suis membre ou activiste d’aucun parti politique en particulier, mais je crois en la nécessité de lutter pour l’humanité. »
Vous êtes des parasites. Vous vous repaissez sur le dos de la France comme des vautours. Son histoire glorieuse, que ce soit celle des chefs ou de son peuple, n’a rien à voir avec vos manigances d'affairistes. La nation n’est pas à vendre, le drapeau tricolore n’est pas une bannière publicitaire. Votre classe bourgeoise c’est l’anti-France incarnée et, oui, j’utilise à mes frais une formule de Maurras, car même de lui vous n’êtes pas à la hauteur. Déplorables cloportes, vous insultez la France, vous injuriez la République, la patrie vous répond : gare aux enfants de la Révolution… les Gilets Jaunes sont bientôt à court de brioche !
Cet air de liberté au-delà des frontières
Aux peuples étrangers qui donnaient le vertige
Et dont vous usurpez aujourd'hui le prestige
Elle répond toujours du nom de Robespierre
Ma France
Jean Ferrat, Ma France
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