Écologisme et sacré : le cas d'Extinction Rebellion
Analyse et critique de l'une des branches du nouveau mouvement religieux qu'est l'écologisme.
L’écologisme, cette « internationale de l’angoisse » pour reprendre la formule de Régis Debray (1), est devenu un élément banal de notre quotidienneté. Ce mouvement commença à avoir une sérieuse influence en France à partir des années 1970, après la succession de la fondation de la section française des Amis de la Terre en 1971 puis la candidature aux présidentielles du désormais célèbre René Dumont en 1974.
Les principaux ingrédients de la recette écologiste étaient dès lors déjà présents, qu’il s’agisse des prédictions de mort avec l’annonce de pénuries d’eau d’ici le début des années 2000 par Dumont ou bien les solutions absurdes comme la transformation de la France en État fédéral, idée promue par les Amis de la Terre. Il faut néanmoins admettre que ces méthodes fonctionnèrent si bien que si nous sommes aujourd’hui soumis à la décroissance, la hausse du prix de l’énergie ou encore les vignettes Crit’Air, tout cela est justifié par la nécessité de sobriété que doivent sans plus attendre adopter l’ensemble de nos sociétés impérialistes, polluantes et coloniales.
Le fait que la grande bourgeoisie, en tant que décisionnaire de la production, soit la grande responsable des problèmes environnementaux touchant la planète et que s’alimenter à la biocoop la plus proche n’y change rien a déjà été dit maintes et maintes fois ailleurs, il n’est pas question de reformuler cette critique ici. En revanche, nous nous proposons de réaliser une étude anthropologique plutôt que politique – car il ne s’agit pas de politique – des porte-étendards de cet écologisme, ses soldats de première ligne.
Pour ce faire, plongeons dans les dossiers d’un de ses derniers rejetons. Actifs depuis fin 2018, ils sont tapis dans l’ombre des saules pleureurs ou en marge de manifestations en tout genre. Reconnaissables à leur sablier, ils n’hésitent pas à employer d’imposants moyens de pression tels que bloquer votre lieu de travail ou à y hisser une banderole. Nous parlons bien entendu d’Extinction Rebellion, souvent abrégé XR. À travers l’examen de cet exemple particulier, c’est les tares communes à un bon nombre de mouvements se réclamant de l’écologisme que nous mettrons en lumière.
La démarche de XR est impolitique, ce qui est à la fois un comble et une banalité pour une association écologiste. Pour le démontrer, analysons les trois éléments sine qua non d’une association à but politique : sa ligne, sa structure et sa méthode d’action.
Pour ce qui est de la ligne, rien de clair ne nous est donné, si ce n’est cette liste de revendications trouvable sur leur site officiel :
La reconnaissance de la gravité et de l'urgence des crises écologiques actuelles et une communication honnête sur le sujet.
La réduction immédiate des émissions de gaz à effet de serre pour atteindre la neutralité carbone en 2025, grâce à une réduction de la consommation et une descente énergétique planifiée.
L'arrêt immédiat de la destruction des écosystèmes océaniques et terrestres, à l'origine d'une extinction massive du monde vivant.
La création d'une assemblée citoyenne chargée de décider des mesures à mettre en place pour atteindre ces objectifs et garante d'une transition juste et équitable.
Par quels moyens y arriver ? Comment forcer leur mise en place ? Cela n’est pas précisé. Néanmoins, le fait que XR ne nous propose qu’une liste de revendications est très parlant. Il ne s’agit pas de reprendre le pouvoir mais bien d’effectuer des revendications. En d’autres termes, il s’agit de prier nos dirigeants d’avoir l’obligeance de mener des politiques respectueuses vis-à-vis de l’environnement. Sans être explicitée, la ligne apparaît alors en filigrane : un anticapitalisme de façade n’étant en fait qu’un relais de la sociale-démocratie, celle rêvant du capitalisme vert(ueux) qui respecterait l’environnement par altruisme et au détriment de leurs intérêts qu’ils prétendent combattre. Bien que toujours dirigé par les mêmes magnats, quelques litres de peinture et un haut-parleur pourraient alors suffire pour que le groupe Total ait un éclair de génie et arrête d’exploiter des puits de pétrole aux quatre coins du monde.
Qu’en est-il de la structure ? Celle-ci est dévoilée au sein de leur liste de principes. Voici un extrait du septième d’entre eux : « Nous limitons délibérément les rapports de pouvoir en démantelant les hiérarchies de pouvoir pour une participation plus équitable » car « les relations humaines sont la base sur laquelle repose ce mouvement et nous nous efforçons de les développer et de les maintenir dans un climat de confiance et de respect réciproques. Nous partons du principe que chaque membre est animé‧e de bonnes intentions et saura réagir face à un éventuel manque de respect. »
Nous avons alors affaire à un énième groupuscule à l’organisation rhizomatique post-moderne, c'est-à-dire essayant en principe de limiter au maximum les degrés de hiérarchie ainsi que le pouvoir des responsables. Cela peut paraître étonnant étant donné que l’urgence est au cœur du lexique de XR, au point que ces derniers pointent toujours l’horizon 2025 pour atteindre les zéro émissions de gaz à effet de serre. On pourrait penser que, les situations extrêmes demandant des mesures extrêmes, XR adopterait une organisation plus rigide et structurée pour arriver à ses fins le plus rapidement possible. Mais il n’en est rien. Il est donc nécessaire de sauver la planète à tout prix, si ce n’est celui de se passer d’un cadre de travail dit inclusif. Le seul mérite de cette forme semble être de donner naissance à des branches annexes toutes aussi improductives telles que « XR Animal » ou encore « Scientifiques en Rebellion ».
Mais nous pourrions être mauvaises langues : après tout, qu’importent la ligne et la structure tant que celles-ci permettent de mener des actions concrètes et efficaces ? La méthode « non violente » de désobéissance civile revendiquée par XR (2), porte peut-être ses fruits. Voyons cela à travers leur actualité récente.
En 2023, les militants XR montrèrent l’étendue de leur « désobéissance civile » autour des trois campagnes de désobéissance civile du moment, à savoir « L’eau rage gronde », « Carnage Total » et « Balance Ta Pub », toutes accompagnées de leur lot de revendications. Un point commun de ces trois campagnes est l’organisation de nombreuses « manif’actions » (manifestations improvisées tout ce qu’il y a de plus classiques, parfois supplémentées d’intervenants écologistes). L’inutilité d’une telle démarche n’est plus à prouver, celles-ci ne réunissant et ne parlant généralement qu’à des convaincus.
La campagne « L’eau rage gronde » s’attaque à la question du puisement et de la gestion de l’eau. Rien de bien intéressant n’en ressort, les manif’actions étant leur moyen de promotion privilégié. Les deux autres campagnes sont en revanche plus instructives. « Carnage Total », par exemple, vise à mettre fin au projet EACOP du groupe Total, ces derniers ayant pour objectif d’installer une pipeline allant de l’Ouganda à la Tanzanie. Pour ce faire, XR compte sur la passion de ses militants et des pots de peinture. Ces derniers sont projetés sur la BNP Paribas, la Société Générale ou encore le Crédit Agricole, finançant toutes trois le groupe Total. Le siège de Total fut également touché. Si l’action peut faire sourire, elle n’en reste pas moins symbolique ; XR l’avoue d’ailleurs à demi-mot lorsqu’en présentant la campagne ils affirment que « Total et ses partenaires ne sauront pas où. Ils ne sauront pas quand. Mais, leur belle image, nous allons la salir » ou qu’obtenir une discussion avec le Crédit Agricole est une victoire en soi. Pire encore, l’action peut parfois être contre-productive comme lorsqu’en plus des devantures les distributeurs automatiques de billets (DAB) sont pris d’assaut, les rendant au passage inutilisables. « Nous ne sommes pas naïf·ve·s, nous savons bien que l’argent est le nerf de la guerre », affirme Camille, militante chez Extinction Rebellion ; « Si nous trouvons le moyen de leur couper les vivres, ces projets ne verront pas le jour ». Sauf que Camille oublie un détail : ce n’est pas les fonds des banques qui sont attaqués en même temps que les DAB mais la capacité de leurs clients à retirer de l’argent liquide. Ce faisant, cette action favorise l’utilisation de la carte bancaire et donc la financiarisation de l’économie par le biais de sa numérisation. La révolte adulescente abrutie rejoint alors la réaction.
La dernière campagne actuellement en vigueur, « Balance ta Pub », consiste à retirer les publicités des centres urbains et à les remplacer par des slogans écolos. Là encore, la démarche est difficilement condamnable, personne ne pouvant cracher sur le fait de se faire épargner un peu de temps de cerveau disponible. Mais là encore, la démarche est impolitique, ces actions localisées et déstructurées n’imposant aucun rapport de force visant à changer la politique publicitaire de la ville.
Nous ne sommes toujours pas dans un rapport politique à la lutte. Le monde de XR est un monde idéel où des assemblées populaires et des coups de peinture peuvent avoir un effet sur des projets à plusieurs milliards d’euros se jouant à l’autre bout du monde, où « dire à la police qu’il est illégal de traîner des personnes par terre car cela représente des risques de brûlure » (3) a une chance d’arrêter une bavure policière. Peu importe le sablier représenté sur leur emblème, peu importe ce qui est relaté dans leurs discours, les actions menées par XR n’ont pas réellement pour finalité d’obtenir un monde plus écologique le plus rapidement possible. Il ne s’agit pas d’une organisation menant une cause dans le but d’atteindre une finalité. Il apparaît au contraire que la cause est la finalité, point que nous allons développer dans la partie suivante.
« Il n’y a pas, en fait, une chose, une essence, appelée Religion ; il n’y a que des phénomènes religieux, plus ou moins agrégés en des systèmes qu’on appelle des religions et qui ont une existence historique définie, dans des groupes d’hommes et dans des temps déterminés. »
Marcel Mauss, Les fonctions sociales du sacré
La politique n’est pas le domaine de la raison. La ligne d’une association ou d’un parti politique n’est jamais maîtrisée sur le bout des doigts par l’ensemble de ses militants. Ainsi, aux connaissances s’ajoutent toujours une part de d’intuition, de croyance en l’idéal défendu. Religion et politique ne s’excluent donc pas, bien au contraire. Tout pouvoir nécessite l’idée de sa sacralité pour pouvoir convenablement s’exercer sur ses sujets. Ce n’est donc pas parce que XR est un mouvement religieux qu’il n’est pas politique. Seulement, comme nous venons de voir que la prise du pouvoir et l’obtention d’une influence significative sur la vie de la cité ne sont pas une finalité envisageable étant donné la nature de leurs actions, il est impossible de leur attribuer une qualification politique. Ne restent alors que les croyances et les pratiques symboliques. Nous avons déjà examiné leurs pratiques. Mais de quelles croyances sont-elles le symbole ?
À la lecture des paragraphes précédents, il serait aisé de nous accuser de climatosceptiscisme ou de quelconque autre néologisme disqualifiant. Il n’en est rien : nous admettons volontiers que le dérèglement climatique et ses effets sont indéniables et que les méthodes de travail du GIEC sont difficilement attaquables. Néanmoins, la reprise des informations que nous possédons sur l’impact de l’humanité sur la planète par les associations écologistes – parmi lesquelles s’inclut Extinction Rebellion – est souvent bien moins rigoureuse.
Souvenez-vous : nous étions le 4 avril 2022, à une semaine du premier tour des élections présidentielles. C’était un printemps plutôt froid mais les plus optimistes d’entre nous nourrissaient l’espoir chaleureux de nous débarrasser du cocaïnomane peuplant l’Élysée depuis cinq ans. Soudain, un ouragan anxiogène envahit notre paysage médiatique. Le GIEC venait de sortir son dernier rapport. La science venait de parler. Il ne restait plus que trois ans pour modifier de manière radicale notre manière de vivre pour avoir une chance de conserver une planète vivable. XR prit naturellement ce narratif à cœur, duquel subsiste encore l’impératif d’agir d’ici 2025. Or, si l’association maîtrise a priori les mathématiques simples – 2022 + 3 font bien 2025 –, nous ne pouvons pas en dire de même de ses qualités de lectrice, car cette donnée n’était inscrite nulle part. Pour leur défense, de nombreux acteurs nationaux, médias ou non, écologistes ou non, sont également tombés dans le panneau. L’erreur initiale de l’AFP fut par exemple reprise par le Parisien, France 24 mais aussi Blast et Yannick Jadot. Il n’empêche que cet événement relève d’un pseudo scientisme. Nous pouvons définir le scientisme comme la croyance en l’idée que la science seule ne permettrait pas seulement de nous enseigner les lois de l’univers mais pourrait aussi nous apporter des réponses à toutes les questions philosophiques et politiques. On peut trouver son illustration concrète chez les adeptes de la zététique ou encore au sein du collectif The Science is Clear, également rattaché à Extinction Rebellion. Ce postulat est déjà hautement critiquable, la condition humaine ne pouvant se résumer à une série d’équations, mais là n’est pas le sujet. L’épisode des trois ans est bien plus grave car il s’agit d’un pseudo-scientisme prédisant la fin du monde en ne s’appuyant pas sur des données scientifiques mal interprétées mais sur la répétition erronée d’un article de presse reposant sur un rapport qui n’avait pas encore été rendu public. Un autre exemple de ce scientisme est la référence constante aux travaux d’Erica Chenoweth, cette dernière affirmant qu’une mobilisation active et non violente de 3,5 % de la population d’un pays suffirait à obtenir un changement de régime. Un nombre magique occultant absolument les spécificités locales basiques que sont l’amplitude des changements voulus, la façon dont s’organise la masse susmentionnée et les moyens de répression pouvant être mis à disposition par les différents gouvernements.
À ce sous-scientisme s’ajoute un corpus moral exprimé à travers la volonté de promouvoir une contre-culture, une « culture régénératrice ». Voici quelques extraits de sa présentation :
« Une culture régénératrice est saine, résiliente et modulable. Elle prend soin de la planète et du vivant, en ayant conscience que c’est l’unique manière d’envisager un avenir prospère pour l’humanité. Une culture régénératrice se forge de jour en jour, avançant pas à pas, s’installant, et se bonifiant au fur et à mesure, que ce soit au niveau des individu‧es, des communautés, du sol, de l’air, ou de l’eau. Nous ne nous contentons pas d’être un réseau d’activistes, nous cherchons aussi les moyens d’incarner et de susciter ce changement positif. Cela peut se faire à l’aide de cérémonies, de prières (spontanées, et non dogmatiques) comme un moyen d’aspirer à ce qui nous dépasse. Nous avons besoin de nous reconnecter à l’amour que nous portons à nos pays, à nos peuples, à nos proches, au sens le plus large, à la nature, et à nous-mêmes.
À Extinction Rebellion, nous revendiquons la réunion de la nature et de la culture : nous ne sommes pas en dehors de la nature, nous en faisons partie. Nous ne sommes pas indépendant‧es de la nature, nous en avons un besoin vital. Nous ne sommes pas supérieur‧es à la nature, mais nous en sommes égaux‧ales, et nous y avons une responsabilité particulière. Nous sommes interdépendant‧es. Nous dépendons des autres, de la nature et réciproquement.
En nous-mêmes, la séparation est celle d’avec nos émotions, nos intuitions, nos élans, ce qui est vivant et dialogue avec le vivant en nous. Toute fermeture en nous sépare, et fait obstacle à ces cultures régénératrices qui nous invitent à nous relier à nous-mêmes, aux autres, à la nature et au monde. »
Ces paragraphes parlent d’eux-mêmes. La culture régénératrice, partie essentielle du projet de XR, est un écologisme visant à réhabiliter une foi proche de l’animisme en plaçant la nature, ici comprise comme tout ce qui n’est pas un produit de l’humanité, au centre de sa spiritualité.
Nous pouvons alors réaffirmer ce que nous disions un peu plus haut : sa cause est sa finalité. Les actions de XR sont des occasions pour les militants de se réunir et de promouvoir la culture régénératrice, mais pas une réponse à la crise écologique. En peignant en noir le siège de Total, les militants « reliés » démontrent à l’esprit de la Terre qu’ils pensent à lui et peuvent, suite au rituel, rentrer dans leurs appartements parisiens la conscience tranquille, avec l’impression de compter un petit peu. Cette foi prend d’ailleurs des allures messianiques lorsqu’elle affirme, pour promouvoir un rassemblement prévu le 2 septembre prochain : « Mais que fêtera-t-on donc ? La fin inéluctable de l’accaparement de l’eau, notamment par l’agriculture intensive, et notre certitude qu’il y aura un changement de régime. »
L’ambition de la culture régénératrice atteignit son paroxysme au cours de l’année dernière lorsque la branche Spiritualité d’Extinction Rebellion, « XR Spiritualités », vit le jour. Elle prit part à un weekend éco-chrétien en juillet 2022, week-end dont l’objectif était précisément de trouver des moyens d’allier écologie et spiritualité. Ce palier est important car si jusque-là le projet était vague, XR dispose maintenant d’une structure spécialisée à cet effet.
En bref, Extinction Rebellion possède les caractéristiques d’une religion à la croisée des chemins entre le christianisme de gauche, l’animisme et le scientisme. Un mélange qui peut paraître étonnant aux premiers abords, mais étant pourtant profondément actuel : celui prenant racine dans une crise de sens contemporaine que nous allons maintenant examiner.
Le sacré est un ciment sans lequel aucune société ne peut espérer se consolider et traverser les âges. En Europe, l’Église catholique ayant peu à peu été reléguée à une place auxiliaire depuis les temps modernes, les idéaux nationalistes reprirent le flambeau du sacré. Seulement, il devint tabou d’exalter la nation à la suite de la Seconde Guerre mondiale. Le communisme et le productivisme vinrent alors à sa rescousse, eux-mêmes respectivement mis à mal par la chute du mur et la crise climatique. Mais alors en quel idéal croire ? C’est à cette question que vint répondre l’écologisme. Régis Debray en vint aux mêmes conclusions : « Chez nous, un espace public désacralisé, donc dépassionné, appelait une recharge dramaturgique pour pallier le morne ennui des pourcentages, et faire rebondir l’intérêt dans l’éternelle série Bons et Méchants. Le Ciel s’étant éclipsé, la Justice à sa suite, la séquence finale aura cette fois l’Apocalypse pour enjeu. Disparu le Mur de Berlin, le Vilain manquait. » (4)
Ce phénomène n’a en fait rien d’exceptionnel : à chaque crise – réelle ou ressentie – survient la tentative de meurtre des anciennes idoles corrompues, leur sang étant un ingrédient favorisant grandement l’ascension des nouvelles. Un exemple contemporain et comparable est la fulgurante démultiplication des nouveaux mouvements religieux (NMR) en Afrique subsaharienne, églises évangéliques venant combler l’absence de réponse à l’aggravation des conditions matérielles d’existence, tant de la part des États africains que des instances religieuses traditionnelles. Les NMR occidentaux se constituent donc autour de toutes les associations et initiatives liées de près ou de loin à l’écologisme et dont XR n’est qu’un échantillon. Si la mécanique les ayant engendrés est anodine, nos NMR présentent cependant d’intrigantes particularités, notamment les deux que sont…
L’évitement comme horizon. Là où nos anciennes croyances tentaient de nous mener au paradis, au démantèlement des classes sociales ou encore à l’abolition du travail, l’écologisme tend au contraire à nous faire ralentir voire à prôner un retour en arrière. Plutôt que de nous mener à un point, les écologistes tentent de nous empêcher d’en atteindre un. Famines, sécheresses, montée des eaux ou encore épidémies, les fléaux censés nous attendre si nous continuons dans la voie de la surproduction ont de quoi faire pâlir les dix plaies d’Égypte. De tels enjeux au bout du chemin, il est logique de penser qu’aucun sacrifice ne saurait être trop grand pour ne pas le parcourir. Les Incas sacrifiaient des enfants pour éviter que la colère des dieux ne s’abatte sur eux. Soyons rassurés, les plus frappés de nos écologistes se contentent pour le moment de proposer des politiques antinatalistes. Quoi qu’il en soit, il est raisonnable d’estimer que l’écologisme est une religion de mort.
Un enracinement déraciné reposant sur la notion de nature. Il faut défendre la nature. Entendue au sens le plus large. La faune et la flore. Les tilleuls et les koalas. Parce que si la vie ne vit plus alors c’est mal parce que c’est mort. Il faut cependant souligner la faiblesse de ce discours car s’il est vrai que dans une certaine mesure « notre survie est tributaire de la biodiversité », le fait qu’« en prenant en compte les mollusques terrestres (escargots et limaces), 7,5 à 13 % des espèces animales et végétales auraient disparues dans le monde depuis l’an 1500 » ne nous empêche pas de respirer et aucun cimetière pour escargot n’est encore à l’horizon. C’est que pour créer une forte adhésion, une croyance doit s’attacher à quelque chose de plus concret, de plus parlant qu’une nature abstraite et ne prenant racine sur rien. Personne ne veut que la planète meurt mais personne ne se mettra sérieusement en marche avant d’avoir l’impression d’être réellement impliqué dans ce qui arrive. Enfin personne, si ce n’est une population déracinée, disposant de beaucoup de temps libre et en quête de sens comme de sensations. Personne, si ce n’est « un mouvement de Blancs ayant fait des études supérieures et qui peuvent consacrer du temps au militantisme » d’après la confession d’un militant XR.
La Culture Régénératrice n’est pas un mauvais projet. L’idée d’une alternative à l’Homo œconomicus ne peut qu’être saluée. Seulement, ce projet tel que présenté par XR et la plupart des mouvements écologistes ne peut adhérer car il repose sur du vide. Il existe pourtant une voie nous permettant d’effectuer une écologie politique efficace.
Il peut sembler paradoxal de proposer une stratégie de repli national pour répondre à un problème planétaire. Elle nous semble cependant la seule apte à pallier aux problèmes sus-cités. Nous soulignions au sein de l’Affranchi il y a quelques mois que « [c]es dernières décennies ont promu certains modes de vie, certains modèles, et donc des nouvelles manières de faire société. Sans compréhension des rapports de production, des classes sociales, et de l’atomisation contemporaine des individus, il a fallu passer par la destruction de la raison, de l’objectivité et de la communauté nationale pour aboutir à ce que nous connaissons aujourd’hui. » Or, « [o]n n'échappe pas à sa coquille. Et tout le problème vient de là : la menace écologique est planétaire mais la planète n’est pas pour chacun d’entre nous sa coquille. C’est une mosaïque de niches qui se tiennent chaud. Aucun terrien n’est fils de l’air, et on ne loge nulle part quand on loge partout. » (5)
Du haut de ses 2000 ans d'histoire, la France eut l’occasion de façonner et de refaçonner ses paysages. Elle dispose grâce à ses DROM-COM de l’une des biodiversités les plus riches au monde. Ce patrimoine doit être préservé. Pas simplement parce qu’il existe, mais bien parce qu’il est le nôtre. Ces milieux que nous avons arpentés, sur lesquels nous avons travaillés, construit des cabanes, bivouaqué ou que sais-je, ces territoires sur lesquels nous avons construit nos vies méritent d’être sauvegardés car ils sont à la fois les gardiens de nos souvenirs et l’assurance de notre prospérité. En opposition à la sauvegarde de la nature abstraite, nous proposons celle de nos paysages, apprivoisés par la praxis. Ces paysages raffinés au point que la France dispose en réalité moins d’une nature à proprement parler que d’un immense jardin à ciel ouvert.
Bien que les bandes criminelles communautaires et l’écologisme soient des phénomènes très différents, nous soutenons qu’ils sont les conséquences de causes communes, à savoir l’absence d’un projet national cohérent ainsi que de la défaillance du contrat social proposé par la France. C’est pour cela qu’en guise de conclusion nous rejoignons également les propos tenus en juillet dernier dans l’Affranchi, c'est-à-dire qu’« il devient impératif de nous interroger sur l’importance de l’organisation. En effet, la nature de la crise sociale actuelle pose la nécessité de s’organiser en une communauté non plus subie, mais rationnelle, à même d’incarner un contrat social concret contre l’ordre anarchique et prédateur qui s’oppose aujourd’hui à nous. Pour nous, l’impératif éthique doit prévaloir sur l’impératif moral, et le cadre rationnel sur la subjectivité égoïste. Cette communauté rationnelle, loin d’être communautariste, a vocation à s’étendre à la République et à la Nation, chassant ainsi un appareil d’État désormais déliquescent ». Ainsi, si l’élan écologiste nous poussant à nous démener corps et âme à la sauvegarde de nos milieux est louable, la voie nationale nous semble la seule à même de nous permettre de faire corps, mais aussi de faire âme dans cette vaste entreprise.