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Éducation : pour l’OCDE, le business doit être aux commandes

La réforme Blanquer de 2018 n’est que le début d’un bouleversement profond de l’Éducation nationale. Les projets de la classe dominante en matière d’éducation sont clairs et explicitement formulés, notamment par des organismes comme l’OCDE. Coup d’œil sur ce que nous réserve l’école de demain.

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Par Clément F.

Lecture 20 min

L’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) a publié sous la responsabilité de son secrétaire général dans le cours de l’année 2022 une brochure sur l’école intitulée « Construire l’éducation de demain ». Si personne ne saurait prétendre lire l’avenir, on découvre pourtant dans cette brochure une nouvelle école telle que la pense et l’exige la classe dominante. Durant trente pages particulièrement pénibles à parcourir tant la phraséologie entrepreneuriale y est érigée en style tout autant qu’en système de pensée, l’OCDE propose d’abord une explication générale de l’état des systèmes éducatifs des pays membres et émet une série de mesures pour l’école des prochaines décennies. La lecture critique de ce rapport est essentielle dans la lutte pour une école émancipée des exigences lucratives de l’économie de marché, et c’est pourquoi nous vous en proposons ici une synthèse. Conformément aux lois dialectiques qui gouvernent le réel, l’ennemi aussi change de visage, obligeant la théorie à adapter sa compréhension du monde sans quoi toute lutte devient anachronique.

Grandeur et décadence de l’école traditionnelle

Durant les deux siècles derniers, l’école aurait rempli son rôle de « moteur majeur de croissance et de prospérité économiques, de renforcement des États et de communautés, de progrès social. » La forme antérieure du mode de production a exigé un haut degré de qualification des travailleurs et l’école a su pendant de nombreuses décennies satisfaire plus ou moins aux exigences de la classe dominante. On rappellera par exemple que la massification de l’éducation à partir des années 50 participait de cette volonté de former rapidement et en grande quantité une armée d’ingénieurs, de secrétaires, de comptables, de commerciaux, etc. L’hommage, cependant, a des allures mortuaires, et l’OCDE décrète au bout d’un paragraphe à peine la nécessité de débrancher cette vieille dame désuète qu’est l’école traditionnelle. Ou plutôt, il faut la « réformer » – selon le terme habituel – et l’adapter au changement « d’orientation » des économies capitalistes.

Car, à bien des égards, l’école est obsolète. Obsolète d’abord, car elle ne peut plus simplement offrir une formation générale abstraite, égale pour tous et ayant le même contenu partout. Elle doit s’adapter aux réalités économiques des territoires, aux « pôles régionaux de production ». Et, comme nous le verrons, c’est le secteur privé qui doit guider cette orientation. Ici seront formés des spécialistes de la vente pour accueillir tel complexe commercial ; là-bas sera formée telle sorte d’ouvriers pour satisfaire à l’embauche de telle entreprise. Au secteur privé reviendra le privilège de déterminer la qualité des savoirs qui seront enseignés, afin de correspondre au mieux aux attentes économiques locales.

Obsolète, ensuite, parce qu’elle n’ « oriente » plus convenablement les élèves sur le « marché du travail ». En clair, elle n’est plus capable d’attribuer clairement au prolétariat la valeur marchande de sa force de travail et se perd dans des enseignements qui parasitent la détermination précise de la valeur du travailleur dont le capital a besoin sur un marché déterminé. Tout cela est évidemment présenté comme une opportunité pour la jeunesse : « Les jeunes investiront probablement moins leur temps et leur énergie dans une éducation de meilleure qualité si elle leur paraît détachée des exigences de la réalité. Les entreprises investiront probablement moins dans l’apprentissage tout au long de la vie de leurs salariés si ces mêmes salariés les quittent pour un emploi de meilleure qualité. » Il s’agit donc de rationaliser ce que peuvent « offrir » les « jeunes » et ce que « demandent » les entreprises. La logique du marché du travail sur lequel l’élève est une « offre » pour la « demande » d’une entreprise est complètement actée. On se demande d’ailleurs, en lisant ces lignes, où diable le « jeune » irait travailler, sinon précisément dans une entreprise.

L’autre élément majeur qui ressort de ces lignes est le caractère affectif de cette rationalisation. Le capitalisme n’est plus le puissant organe répressif qu’il a pu être dans ses formes précédentes : il part des aspirations réelles des jeunes. L’orientation des élèves sera ainsi à l’avenir un élément majeur de l’organisation de la production, dans le sens où il faut déterminer précisément ce qu’est « l’intérêt » du jeune pour le secteur économique auquel il se destine. Ici, l’orientation des élèves est une fabrique du consentement à l’ordre économique.

Obsolète encore, l’éducation l’est car elle est à la traîne au sujet des nouvelles technologies. D’une certaine manière, la bourgeoisie a fait sienne la thèse selon laquelle le développement des forces productives entraîne une évolution du mode et des rapports de production. Consciente de cette vérité, elle prophétise l’obsolescence de l’école si celle-ci n’est pas capable de s’adapter aux formes nouvelles que prend la technique contemporaine. Il faut donc faire entrer le progrès technique à l’école et former les nouvelles générations aux technologies de pointe. Comme nous le verrons, cela entraînera un impact décisif sur la place des enseignements classiques, comme l’annoncent les lignes qui suivent : « Éduquer, ce n’est plus simplement transmettre un savoir aux élèves, mais les aider à développer une boussole fiable et les outils pour avancer d’un pas assuré dans un monde de plus en plus complexe, imprévisible et incertain. »

Plus fondamentalement, la bourgeoisie a conscience des dangers importants qu’entraînent des bouleversements dans les structures économiques. Elle sait que ces changements peuvent à terme menacer l’ordre productif, et c’est pour ces raisons qu’elle veut pénétrer plus à fond l’école, afin de l’adapter au plus tôt aux transformations à venir : « Pourtant, si les technologies numériques et la mondialisation peuvent perturber notre structure économique et sociale, cette perturbation n’est pas prédéterminée. C’est la nature de notre réponse collective à ces conséquences qui en déterminera les résultats : l’interaction continue entre la frontière technologique et les contextes et agents culturels, sociaux, institutionnels et économiques que nous mobilisons, dont les communautés éducatives font partie. » Leur volonté est clairement affichée d’utiliser l’école comme un levier pour : a) limiter les possibilités révolutionnaires qui adviennent nécessairement avec l’évolution du mode de production et b) adapter au plus vite l’école pour la rendre conforme aux attentes de la forme nouvelle du mode de production. On ressent assez clairement la prise de conscience par la bourgeoisie de ceci, que les adaptations politiques aux changements productifs en cours ne sont pas jouées d’avance et qu’il faut être les premiers à dicter la marche à suivre. Ces combats, les communistes doivent se les approprier avec la conscience la plus fine et la plus aboutie possible.

Enfin, si l’école est obsolète, c’est parce qu’elle peine à produire le consentement politique requis à la perpétuation du mode de production sous sa forme nouvelle. La brochure évoque à cet égard la nécessité d’un « nouveau contrat social » dont l’école serait le vecteur, et il importe d’en dire quelques mots. C’est bien de politique et de défiance politique dont parle toute cette partie de la brochure. La démocratie libérale exige un haut degré d’adhésion idéologique et de consentement, sans quoi il n’est pas tenable pour elle de gouverner. L’OCDE comprend très précisément l’importance de cette adhésion et oppose à plusieurs endroits la « démocratie » au « populisme ». La brochure développe longuement cette idée : « L’idéal méritocratique voulant que l’éducation, le talent et l’effort nous assurent une vie meilleure que celle de nos parents a joué un rôle crucial dans l’expansion des systèmes éducatifs de la seconde moitié du XXe siècle. Cependant, lorsque le moteur de la mobilité sociale commence à toussoter, la confiance dans les systèmes scolaires s’émousse et les jeunes issus de milieux précaires risquent de ne plus investir leur temps et leur énergie dans leurs études. Les conséquences s’en font ressentir au-delà de l’éducation : la population perd sa confiance dans le “contrat social”, se rebelle contre le “système”, épouse le populisme et s’éloigne de la démocratie. » Pour parvenir à ses fins, nous le verrons, l’OCDE propose une série de signifiants idéologiques vides : l’équité et l’inclusivité. Nous reviendrons sur ces termes plus loin.

Ces quatre points font état du chantier que la bourgeoisie a sous ses yeux – nous n’exagérons pas le terme de chantier puisqu’un paragraphe déclare : « L’avenir est un chantier perpétuel, dont nous sommes les ouvriers » ! On le voit aisément : l’école doit s’adapter ou devenir le grand parasite inutile et coûteux que des idéologues républicains et conservateurs voudraient conserver pour des motifs idéologiques abstraits et en fin de compte anachroniques. Les communistes doivent éviter ce conservatisme qui tendrait à ce que, tout à coup, nous soutenions l’école traditionnelle qu’hier encore nous combattions. La série de mesures de l’OCDE doit préciser le rôle des communistes dans la bataille à venir, et c’est pourquoi nous en détaillons maintenant la logique.

L’école de demain : régionalisée, particularisée et lucrative

Quatre finalités sont très clairement posées et elles dessinent la forme future de l’école. Une phrase, au demeurant édifiante, résume l’idée directrice : « Selon la mission stratégique du travail de l’OCDE dans le domaine de l’éducation, la collaboration intergouvernementale en éducation vise fondamentalement à aider les territoires à assurer un apprentissage tout au long de la vie de qualité pour tous, qui contribue au développement personnel, à une croissance économique durable et à la cohésion sociale. »

Quant aux finalités, si nous les re-traduisons quelque peu, il s’agit :

1) De s’émanciper de l’école comme lieu unique de formation pour déléguer ladite formation à des lieux « informels », à savoir évidemment les entreprises.

2) De limiter la fonction des professeurs, renommés « éducateurs capables et professionnels », aux « premiers stades du parcours éducatif », ce qui sous-entend l’intervention de l’entreprise comme agent déterminant dans la formation de l’élève (renommé dans toute la brochure « apprenant », par quoi il faut comprendre que l’adulte pourra lui aussi faire l’objet de formations et de reformations en fonction des besoins territoriaux).

3) D’ouvrir le financement des écoles aux établissements privés, garants de l’innovation économique. On apprend plus loin que l’entreprise décidera explicitement de l’orientation des savoirs de l’école qu’elle a sous sa coupe.

4) De faire tenir aux établissements scolaires des « promesses de résultats économiques et sociaux », tout en étant capables de « s’adapter aux nouveaux défis ». Autre manière d’annoncer l’évaluation des établissements en fonction de leur capacité à satisfaire aux exigences du marché de l’emploi.

L’esprit général, la finalité centrale semble donc bien l’adaptabilité absolue du système éducatif occidental à l’économie de marché. L’école n’a plus tant vocation à éduquer ni à assurer la formation de l’enfant, mais bien à lui apprendre à se comporter comme une marchandise sachant « se vendre » sur un marché de l’emploi de plus en plus saturé. De toutes ces propositions, l’idée que ce serait désormais à l’entreprise de déterminer quels savoirs doivent être principalement enseignés est peut-être la plus contre-révolutionnaire de toutes. Non pas parce que l’école ne devrait entretenir aucun lien avec la sphère de la production (c’est d’ailleurs l’inverse qui est vrai et nécessaire), mais parce que dans ces conditions c’est à la logique capitaliste de dicter sa conduite (mise en compétition, sélection au « mérite », orientation de l’élève comme force de travail à employer) à l’école. Viennent alors les propositions et les mesures que l’organisme entend laisser à la disposition des États membres. Quelques-unes doivent nous interpeller tout particulièrement.

L’école : lieu « d’équité » et « d’inclusivité »

On peut s’attarder un instant sur la signification idéologique de ces valeurs. L’équité signifie clairement « répartition géométrique » ou « proportionnelle ». Une école équitable est une école qui distribue des moyens en proportion des besoins. Or ces besoins sont ceux de l’entreprise, ce qui est clairement affiché ; c’est la « demande » de l’entreprise. Donc l’équité est une négation pure et simple de l’égalité républicaine, par laquelle chacun reçoit théoriquement le même enseignement. On comprend ainsi la fin du concept d’égalité républicaine et son remplacement par l’équité économique.

L’inclusivité remplit à peu près la même fonction idéologique. Il s’agit d’intégrer l’individu en proportion de sa capacité d’intégration dans l’appareil productif. D’une certaine manière, cela consiste à changer d’approche éducative devant des publics peu réceptifs à l’éducation égalitaire. L’école accueillera chacun en fonction de ses compétences futures et limitera au maximum les phénomènes de marginalisation. Rejeter un élève pour sa « différence », c’est produire un gâchis, c’est empêcher de déterminer une valeur précise à sa force de travail future, c’est en faire un parasite coûteux. Il est dit notamment : « la pression exercée sur les établissements d’enseignement pour remplir ces fonctions et tenir ces promesses ne fait qu’augmenter ; le coût social d’un échec serait énorme. Pour les sociétés, le coût à long terme de faibles compétences est loin d’être négligeable et souvent sous-estimé, comme le sont les risques d’érosion de la confiance interpersonnelle et de la cohésion sociale. »

L’école : lieu de mesure et d’apprentissage des émotions

Pour pallier les logiques de défiance devant l’ordre productif, il s’agirait pour la bourgeoisie d’utiliser les sciences cognitives pour faciliter l’intégration de « valeurs » et d’ « attitudes » propres à développer une « identité » dans laquelle on sera susceptible de se reconnaître, et à partir de laquelle on sera prêt à consentir. Une proposition suggère ainsi : « Étudier les possibilités d’évaluation du développement des valeurs et de l’apprentissage éthique et en tirer des enseignements sur les moyens d’amélioration de ces résultats. » Il faut comprendre très clairement que l’idée est de mesurer pour ensuite contrôler le degré d’adhésion de l’individu aux valeurs qui seront celles, comme on l’a vu, d’équité et d’inclusivité. On comprend ainsi que l’éducation, plus que jamais, jouera un rôle idéologique majeur, dans la détermination axiologique des individus. Là encore, critiquer l’école parce qu’elle véhiculerait des mythes sur la France éternelle, c’est être à côté de la fonction idéologique actuelle et future de l’école.

L’école : lieu ouvert à l’entreprise

On nous fait savoir très clairement que si l’école a longtemps été un lieu fermé et « isolé », il ne faudrait pas nier la grande richesse d’un « apprentissage humain » qui aurait lieu « hors des cadres formels ». Les systèmes éducatifs modernes « devront incorporer cet éventail élargi de chances d’apprentissage et les conjuguer avec l’apprentissage dans le secteur institutionnel. » En clair, on n’apprend pas qu’à l’école (ce qui est vrai) et ainsi d’autres « environnements » et d’autres formes « d’apprentissage informel » doivent participer à la formation des enfants (ce qui ne va absolument pas de soi). Il faut ici évidemment traduire : l’école isole l’individu du monde du travail et, à bien des égards, lui enseigne des savoirs fort inutiles. L’ouverture à d’autres formes d’apprentissage (notez qu’il ne s’agit plus de « savoirs ») doit passer par une « collaboration avec le monde extérieur ». Les lignes qui suivent sont suffisamment éloquentes : « L’apprentissage n’est pas essentiellement un processus transactionnel de transmission de savoir, mais une entreprise sociale et relationnelle : nous avons besoin d’enseignants pour apprendre et nous n’apprenons pas isolément. Qui plus est, l’apprentissage est le plus fécond lorsqu’il est condensé dans un temps et un espace qui lui sont réservés. En ajoutant des incitations motivationnelles extrinsèques à la motivation intrinsèque de l’apprenant, et en exigeant des apprenants qu’ils fréquentent des lieux qu’ils ne choisiraient pas de fréquenter d’eux-mêmes, les écoles ouvrent l’esprit sur l’inconnu. Écoles et universités doivent toutefois améliorer leur collaboration avec le monde extérieur. Les partenariats entre écoles et collectivités locales, entre universités et entreprises locales seront essentiels pour l’éducation institutionnalisée de demain, tout comme les ponts entre les différents mondes dans lesquels nous apprenons. » On se demande bien ce que la philosophie, les Lettres et les langues antiques pourront apporter à ce genre de collaboration avec l’usine de la région.

L’école, enfin : une institution lucrative

Il est faux de résumer l’ambition de la classe dominante pour l’école à une simple ouverture de l’éducation à la logique du marché. La bourgeoisie n’est pas stupide au point de vendre ses fleurons que sont ses systèmes scolaires sans contrepartie, et notre article tend à montrer à quel point le mode de production capitaliste aura besoin d’une école conforme à ses attentes dans un avenir proche. Mais cela n’empêche pas la bourgeoisie, effectivement, de passer à l’offensive pour ce qui est du caractère lucratif de l’école de demain. Le « rapport qualité-prix » de l’école est un facteur essentiel de son développement futur. L’argument majeur pour justifier la rentabilité est d’ailleurs surprenant : « Le cocktail d’inflation, de productivité à l’arrêt, de qualité stagnante ou en recul, de rendement économique douteux des investissements, et de pression externe à l’amélioration du rapport coût-efficacité risque de mettre les systèmes éducatifs à très rude épreuve. » On le voit : anticipant l’impossibilité pour les États seuls de financer leur système éducatif, on fait le pari de les jeter sur le marché. De toute manière, financer à outrance ces systèmes ne sert à rien, tant ces efforts sont « sans améliorations perceptibles ». Au demeurant, l’une des grandes revendications des professeurs, l’allègement du nombre d’enfants par classe, « n’a pas eu d’effet démontrable sur les résultats de l’enseignement. »

Contre l’école libérale, renouer avec l'Éducation Nouvelle

L’école libérale de demain ne cache pas son but : étendre la logique du marché du travail à l’école, c’est-à-dire faire de l’école l’étape préparatoire pour le marché du travail. Si l’homme est considéré au travail comme une marchandise, l’école doit être le lieu de la fabrique de cette marchandise. Dans La grande transformation, l’économiste Karl Polanyi (1886-1964) nous fait savoir que l’idée que l’homme serait une marchandise n’est qu’une fiction, car « il n’a pas été créé en vue d’être vendu, comme c’est le cas pour le bien de consommation. » Il est patent que l’école libérale de notre temps souhaite modifier jusqu’à l’idée que l’homme se fait de lui-même : il doit se penser comme un être dont les « compétences » doivent servir à l’économie de marché, il doit se penser lui-même comme marchandise. L’anthropologie libérale ne définit pas tant l’homme comme « homo economicus », mais plutôt comme « homo mercimonium », homme-marchandise dont l’existence est vouée à trouver une certaine demande économique. On le voit : à travers cette nouvelle idée de l’école, c’est aussi une théorie de l’homme que l’on veut nous imposer.

Un tel chambardement civilisationnel doit être vigoureusement combattu, non pas tant pour maintenir d’anciennes structures qu’hier encore nous combattions (l’école dans sa forme essentiellement bourgeoise dans laquelle règne la mise en compétition des individus), mais pour affirmer de nouveau tout une autre pédagogie, tout une autre vision de l’homme, tout une autre conception de la société. D’autres modèles scolaires existent et peuvent aujourd’hui constituer des contre-modèles. On peut penser par exemple à l’esprit de l’école républicaine telle que la pensait Jaurès et de l’importance de l’école pour « préparer la fraternelle justice sociale, émanciper et organiser le travail (1) ». Ou encore à l’éducation nouvelle, portée historiquement par des pédagogues comme Freinet, Langevin ou Ferrière. Plus récemment, les travaux de G. Snyders ont montré comment il était possible de produire la synthèse progressiste de l’école traditionnelle et de l’école nouvelle. Quoi qu’il en soit, contre une école qui promeut l’esprit de marchandise, il faut réaffirmer une pédagogie humaniste qui aurait pour fonction de développer l’humanité de l’homme. Contre l’utopie libérale de l’homme-marchandise, il faut réaffirmer un « idéal sans idéalisme » comme dirait Henri Lefebvre, l’idéal humaniste du développement total et de l’accomplissement de l’homme. L’ « homme total » doit être l’ambition de ceux qui résisteront ardemment contre la marchandisation des élèves.

En un mot, contre l’ « éducation de demain », il faut opposer l’ambition de l’humanisme que résume par exemple Lefebvre : « La véritable individualité tendra vers l’homme total, vitalité naturelle épanouie et lucidité complète, capable d’action pratique et de pensée théorique, ayant dépassé les activités mutilées, incomplètes. Ce sera l’individu libre dans une société libre. (2) »


(1) Jean Jaurès, “Discours de Castres”, 30 juillet 1904
(2) Henri Lefebvre, Le Marxisme, II “La morale marxiste”, Que sais-je ?, 1950
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