Définition de l'intellectuel organique
Consciemment ou non, ceux qu’on appelle « intellectuels organiques » défendent des intérêts de classe. Le prolétariat se doit de former les siens afin de lutter contre la mainmise culturelle de la bourgeoisie et inverser le rapport de force.
Tout mouvement révolutionnaire a besoin d’une théorie pour nourrir sa pratique ; c’est la raison pour laquelle elle a donc nécessairement aussi besoin d’intellectuels organiques.
Mais qu’est-ce, au juste, qu’un intellectuel organique ?
Antonio Gramsci, théoricien communiste de la première moitié du XXème siècle, nous dit que ce qui définit l’intellectuel organique, c’est moins ce qu’il produit (au sens entendu de théoricien, d’essayiste, de philosophe, etc.) que le rôle actif qu’il joue, consciemment ou inconsciemment, au sein de sa classe sociale et plus généralement au sein de la société.
Ce sont les paroles, les idées, les idéologies qu’il diffuse et transmet dans la vie publique, d’une manière consciente ou non, encore une fois, qui définissent l’intellectuel organique, dont la finalité est en dernière instance de créer une conscience de classe.
De là, alors, nous dit Gramsci, deux grandes formes d'intellectuels organiques se dégagent :
1) les intellectuels organiques de la bourgeoisie, qui défendent de fait les intérêts de la classe dominante ;
2) les intellectuels organiques du prolétariat, qui défendent les intérêts de la classe opprimée.
On pourrait aisément croire que cette étiquette d’« intellectuel organique » n'est réservée qu’à une élite de philosophes, de savants, déconnectés de la réalité de la vie quotidienne des gens ; qu’il y aurait d’un côté les « intellectuels » et de l’autre les « travailleurs manuels », et que donc tout cela ne nous concerne pas.
Rien n’est plus faux. Tout le monde peut devenir un intellectuel organique. C'est d'ailleurs en pensant de cette manière, à savoir que cela n’est pas fait pour nous, que c’est trop compliqué, que cela ne nous regarde pas, etc, que se perpétue l’état actuel des choses et que se pérennisent l’idéologie dominante et la mainmise culturelle de la bourgeoisie.
En réalité, chacun de nous a les capacités de devenir un intellectuel organique, à condition de s'y former. Il nous faut en effet former des ouvriers, des employés, des fonctionnaires, des étudiants, bref, des gens de la vie quotidienne, quelles que soient leurs origines sociales, qui seront à même de produire et reproduire un discours de classe dans l’intérêt du prolétariat.
Dans ses Carnets de prison, Gramsci mettait un point d’honneur à rappeler les trois missions des intellectuels organiques révolutionnaires :
- 1) Instruction
S’instruire à la théorie révolutionnaire, structurer ses pensées afin de les faire siennes.
- 2) Agitation
Faire de la propagande et de l’agitation pour créer une conscience de classe.
- 3) Organisation
La conscience de classe permettra aux prolétaires de s’unir et de s’organiser dans un objectif commun.
Tout l’enjeu des intellectuels organiques du prolétariat est de venir influer sur les acteurs du « monde du travail », d’orienter les discours, de rendre la lecture et l’analyse de classe possible, alors même que le voile idéologique de la bourgeoisie tend la plupart du temps à évincer complètement du rapport de force et des discours cette réalité.