Définition de la critique en philosophie
La critique au sens philosophique est une noble entreprise. Elle consiste à poser les limites d'une pensée ou d'une action, et à en montrer les failles et les contradictions pour la faire progresser.
Dans le langage courant, la critique est perçue comme quelque chose de négatif qui nous juge et nous contrarie. Elle est donc associée à un jugement de valeur.
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Or, quand on émet un jugement de valeur, on ne dit rien sur l’objet que l’on juge, on ne fait que dire ce que l’on en pense sans rien apporter à la connaissance de cet objet.
Nous voyons donc qu’il est impossible de construire quoi que ce soit à partir d’un jugement de valeur puisque l'objet de la critique est accepté ou rejeté avant même de savoir ce qu’est l’objet dont nous parlons.
Dans sa préface à La phénoménologie de l’esprit, Hegel nous avertissait déjà en écrivant : « Ce qui est bien connu est en général, pour cette raison qu’il est bien connu, non connu ».
En effet, nous pensons connaitre parfaitement ce qui nous est le plus familier, du fait même que cela nous est familier. Or c’est là que l’illusion apparait. Le sens que nous donnons aux mots s’éloigne de plus en plus de ce qu’ils signifiaient initialement. C’est le cas du concept de « critique », dont l’usage récurrent a fini par lui donner un sens péjoratif.
Alors, qu'elle est la définition de la critique dans son sens philosophique ?
La critique consiste à analyser une pensée ou une action pour en montrer ses limites et ses contradictions. Grâce à la critique, nous nous donnons les moyens de résoudre les contradictions pour les dépasser, pour nous enrichir, faire en sorte d’améliorer notre pratique.
À l’inverse d’un jugement de valeur, la critique est une méthode d’analyse, visant à montrer les limites d’un raisonnement ou d’une période historique comme le mode production capitaliste.
Ainsi, critiquer le capitalisme signifie l'étudier tel qu'il est, autrement dit produire un jugement d’existence. Cela permet de montrer quels sont les obstacles à la réalisation de la liberté humaine et de sortir des contradictions du capitalisme, qui empêchent de nouvelles avancées.
Cette méthode critique suppose dans un premier temps, d’épouser cette pensée, de l’étudier dans tout son déploiement pour ensuite la critiquer. Bien entendu il ne s’agit pas d’exclure le jugement de valeur, mais il doit venir après le jugement d’existence, sans quoi il est impossible que deux personnes puissent dialoguer.
Ce n’est pas pour rien que Karl Marx donne comme sous-titre au Capital, Critique de l’économie politique. Marx n’a pas fait une condamnation morale, ni de proposition d’utopie, mais une analyse précise de ce qu’est la société capitaliste et des processus qui la font se mouvoir.
Il a exposé les limites de l’économie politique, et plus particulièrement du libéralisme qui prétendait établir une science économique indépendante de l’action des hommes.
De même, Kant inaugure la philosophie critique en proposant une critique de la philosophie métaphysique qui l’a précédé. Ses trois œuvres majeures, à savoir : Critique de la raison pure, Critique de la raison pratique, Critique de la faculté de juger montrent les impasses dans lesquelles sont tombés ses prédécesseurs. Ainsi, la critique permet de faire progresser la philosophie et proposer ce qu’il nomma « une révolution copernicienne ».
Nous voyons à quel point la critique telle qu’elle est entendue aujourd’hui (c’est-à-dire comme dénonciation morale) a perdu son sens premier.
Cela a pour conséquence soit de vouloir interdire toute critique, soit de la tolérer mais sans la considérer. Aucune avancée n’est alors possible car dans le premier cas rien n’est dit, et dans le second on tombe dans le relativisme, c’est-à-dire que la critique vaut pour celui qui l’émet mais pas pour celui qui la reçoit.
Il s’agit donc de réhabiliter la critique dans son sens premier, pour nous permettre à la fois de mieux connaitre le réel et d’améliorer la connaissance que nous avons de ce réel. Cela est indispensable à tout projet de transformation du monde.