Napoléon Révolutionnaire
Entre fétichisme des symboles du côté de Macron et Chalençon et dogmatisme gauchiste du côté d'Alexis Corbière, le bicentenaire de la mort de l'Empereur fait polémique.
Nous célébrons aujourd'hui le bicentenaire de Napoléon et force est de constater que 200 ans après sa mort, son héritage subsiste et suscite les débats les plus animés. C'est aussi l’anniversaire de Karl Marx qui porte probablement la palme de la polémique à ex æquo. Comment ne pas voir ici à l’œuvre la puissante dynamique de l'Histoire ? Faite de contradictions qui la meuvent, l'Histoire est la manifestation la plus éminente de la dialectique. En bref, aujourd'hui c'est elle que nous célébrons.
N'en déplaise aux gauchistes et aux droitards, les communistes sont les seuls à assumer pleinement l'héritage de l'Empereur. À ma gauche, les partisans de la thèse du "fossoyeur de la révolution". À ma droite, les fétichistes d'un empire réduit à ses symboles. Napoléon n'est ni l'un ni l'autre, il est même l'antithèse de ces réductions qui ne témoignent chez ses adversaire que « d'une intelligence borgnesque » (1). Napoléon est un révolutionnaire et un homme d'action.
Pour nous, partisans de la République Sociale, la référence à Robespierre, Saint-Just, Babeuf est évidente. Nous sommes partisans de la grande Révolution Française qui comprend 1789 aussi bien que 1793. Elle est pour nous l'élément fondateur de la Nation que nous aimons. Cependant, ne pas voir après 1793 des contradictions manifestes au sein de la Convention Nationale, à laquelle nous adressons les plus solennelles révérences, est d'un dogmatisme plat qui déshonore la conscience historique d'un bon matérialiste. Nos lointains camarades-citoyens jacobins étaient malheureusement trop en avance sur leur temps. Ils voulaient pousser la Révolution au-delà de ses limites historiques et matérielles. Douces et géniales rêveries de ces disciples du promeneur solitaire.
L'intelligence de Napoléon aura été de ramener l'Histoire à la raison en reculant d'un pas pour en avancer de deux. L'Aigle Impérial prend son envol et déploie sous ses ailes les acquis universels de la Révolution. Il acte la fin définitive de la vielle féodalité et de l'Ancien Régime, instaure les prémices de nos institutions, nous fait passer d'un monde substantiel au monde de la convention par le Code Civil. C'est le grand homme de la Révolution bourgeoise.
« Bourgeois ! Le mot est lâché ! Le communiste se révèle ! », s'écrie le fétichiste des symboles.
« Du calme cher monsieur, pour nous communistes, la bourgeoisie était en son temps la classe la plus révolutionnaire qui soit. », répond l'homme de raison.
Marx nous dit : « L'examen de ces conjurations des morts de l'histoire révèle immédiatement une différence éclatante. Camille Desmoulins, Danton, Robespierre, Saint-Just, Napoléon, les héros, de même que les partis et la masse de la première Révolution française, accomplirent dans le costume romain et en se servant d'une phraséologie romaine la tâche de leur époque, à savoir l'éclosion et l'instauration de la société bourgeoise moderne. Si les premiers brisèrent en morceaux les institutions féodales et coupèrent les têtes féodales, qui avaient poussé sur ces institutions, Napoléon, lui, créa, à l'intérieur de la France, les conditions grâce auxquelles on pouvait désormais développer la libre concurrence, exploiter la propriété parcellaire du sol et utiliser les forces productives industrielles libérées de la nation, tandis qu'à l'extérieur, il balaya partout les institutions féodales dans la mesure où cela était nécessaire pour créer à la société bourgeoise en France l'entourage dont elle avait besoin sur le continent européen. La nouvelle forme de société une fois établie, disparurent les colosses antédiluviens, et, avec eux, la Rome ressuscitée : les Brutus, les Gracchus, les Publicola, les tribuns, les sénateurs et César lui-même. »
Karl Marx, Le 18 brumaire de L. Bonaparte
Napoléon est effectivement pour nous, lecteurs du vieux Hegel, l'incarnation même de ce qu'il appelle le Grand Homme. Le Grand Homme est celui dont la vie et les passions le poussent à réaliser ce qui le dépasse, à savoir le déploiement de la Raison dans l'Histoire. Son épopée individuelle a poussé l'Empereur à rencontrer l'Histoire au point de ne plus faire qu'une avec celle-ci. Or, l'Histoire, ce sont les hommes concrets qui la font, les travailleurs, les soldats, les artistes, les inventeurs, en clair le peuple, la Nation.
Napoléon était donc l'incarnation de l'Âme du peuple de France, mais aussi de l'humanité toute entière qui connaissait en ce moment dans la Patrie des Lumières la révolution matérielle qui mettait fin aux règnes des seigneurs et des rois. L’Empereur est donc bien un Révolutionnaire et un homme d'action. Il n'est pas une figure de marbre figée dans la forme d'un Empire sclérosé et qui a de toute façon, lui aussi fait son temps. Il est la figure de l'Histoire vivante, l'Histoire des peuples.
J'ai vu l'Empereur- cette âme du monde – sortir de la ville pour aller en reconnaissance ; c'est effectivement une sensation merveilleuse de voir un pareil individu qui, concentré ici sur un point, assis sur un cheval, s'étend sur le monde et le domine. G.W.F Hegel, Correspondance, T. l, p. 114
Que les Républicains de 1848, que nous respectons peut-être encore plus, se soient opposés à Napoléon est bien normal. Le rétablissement de l’esclavage était chose insoutenable pour ces amis de l'humanité. Aujourd’hui, il ne faut plus jouer l'un contre l'autre. Napoléon disait « de Clovis au Comité de Salut Public, j'assume tout ». Et bien à nous communistes de dire : de l'Empire à la Commune et de la Troisième République au Conseil National de la Résistance nous assumons tout car « nous continuons la France ». (2)
(2) Nous Continuons la France, documentaire de Louis Daquin, 1946 : https://www.cinearchives.org/Catalogue-d-exploitation-NOUS-CONTINUONS-LA-FRANCE-494-120-0-5.html?
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