Flexibiliser le marché du travail : à qui cela profite-t-il ?
“Il faut flexibiliser le marché du travail”, “le Code du travail est trop contraignant”, etc. Sous couvert de défense de la liberté, ces formules politiciennes à la mode cachent en réalité une logique de classe qu’il faut combattre afin de réaffirmer notre héritage révolutionnaire.
Il nous est trop souvent rabâché la (fausse) étymologie du mot "travail" comme étant tripalium signifiant "instrument de torture". Cette représentation communément partagée ouvre la voie aux manipulations.
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En effet, les médias et le discours de certains hommes et femmes politiques, dans leur élan de générosité, voudraient que l'on flexibilise le marché de l’emploi ainsi que le Code du travail – jugés trop rigides – afin d’alléger notre "torture" au travail.
La manipulation consiste à nous faire croire que le travail est par nature pénible et aliénant et que les règles qui l'entourent sont comme des entraves à nos libertés.
Dès lors, venir “flexibiliser”, atténuer, voire supprimer ces règles, permettrait d’améliorer notre rapport au travail, de rendre ce dernier plus tolérable ; en un mot : de nous sentir plus libres.
Cette notion de liberté est au cœur des discours des politiciens concernant l’assouplissement du Code du travail. Mais la liberté, est-ce faire ce que l’on veut ? Pour Jean-Jacques Rousseau, il n’en est rien : la liberté est l’obéissance à la loi que l’on s’est prescrite (1) (c’est le “s” qui est important). Nous ne sommes libres qu’à partir du moment où l’on commence à s’instituer dans un cadre et comprendre pourquoi on accepte ce cadre.
Plus important encore, ce qui, à travers ces slogans et ces formules creuses, est nié à longueur de temps, est le rapport de force historique qui s’est instauré depuis plus d’un siècle, et qui a abouti en 1910 à l’institution du Code du travail. (2)
Prenant appui sur une réelle théorie révolutionnaire, en effet, des mouvements ouvriers - mais aussi des mouvements insurrectionnels, pas forcément structurés sous forme de partis - ont réussi à obtenir par leurs luttes des règles qui encadrent et organisent le travail. Parmi celles-ci, l'on peut citer par exemple le fait qu’un patron ne puisse pas licencier abusivement ses employés, l’existence de délégués du personnel pour défendre les intérêts des salariés, des règles de sécurité et d’hygiène, le droit pour tous se syndiquer, etc.
Ces règles, issues de ce rapport de force, apparaissent aux dires des politiciens comme des entraves à notre liberté. Ainsi, le discours libéral voudrait nous laisser croire que les flexibilisations seraient dans l'intérêt de tous, alors qu’en réalité, elles ne le sont qu’au nom de quelques-uns seulement : les détenteurs du capital.
Avec la “flexibilité”, lorsque les règles qui encadrent le travail seront souples, ou pire encore, inexistantes, les capitalistes pourraient d’autant plus facilement nous traiter comme de simples “ressources humaines”, malléables et interchangeables à merci.
Il faut donc se méfier de ces formules toutes faites. Grâce à son emprise sur l’hégémonie culturelle, la classe dominante fait constamment en sorte que l'on épouse le discours qu’elle tient sur le réel, afin que l’on pense que le Code du travail entrave notre liberté, tout en niant complètement l’histoire et l’héritage qu’il y a derrière.
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Cet héritage conséquent, qui nous octroie encore certaines sécurités au travail, nous devons le réaffirmer et le poursuivre, en proposant autre chose qui aille à l’encontre totale de la soi-disant flexibilisation du marché du travail que les politiciens tentent de nous vendre.
Il s’agit d’extraire le travail du carcan capitaliste dans lequel il est aujourd’hui enfermé, afin de le rendre réellement libérateur.
Pour conclure, flexibiliser le marché du travail ne profiterait qu'aux grands patrons et à la classe dominante, et si nous voulons conserver et étendre nos conquis sociaux, nous devons dénoncer ces manipulations et mener la lutte des classes.
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