Le progrès technique est écologique : l'exemple par le nucléaire et l'intelligence artificielle
À l’inverse d’un discours dominant qui prône la « décroissance » et condamne nombre de progrès techniques et scientifiques, il faut au contraire nous faire les champions de ces derniers ; car entre nos mains et sous nos décisions, ils peuvent nous permettre de nous émanciper de l’aliénation capitaliste.
Le philosophe et musicologue français Dominique Pagani se plaît souvent à dire qu’il préfère bien mieux être un progressiste ringard qu’un réactionnaire branché. En effet, il est aujourd’hui beaucoup plus à la mode de se revendiquer d’un écologisme de la « décroissance » que d’un « méchant » progressisme productiviste.
Nous souhaitons pourtant réaffirmer ici – comme le ferait aussi très probablement M. Pagani – le côté écologique et surtout la nécessité du progrès humain, en nous appuyant notamment sur deux des plus grandes avancées techniques et technologiques de ces dernières années : la fusion nucléaire et l’intelligence artificielle.
De nombreuses personnes ont, vis-à-vis de ces innovations majeures (et parfois même à propos de toute forme de progrès en général) des doutes et des inquiétudes. À tel point qu’elles leur arrivent souvent de les rejeter en bloc, comme si ces transformations étaient mauvaises et dangereuses par nature.
« Le nucléaire, on ne maîtrise pas assez, c’est dangereux ; regardez Tchernobyl, regardez Fukushima. » ; « L’intelligence artificielle ? Si ça continue comme ça, on va finir par tous se faire remplacer par des robots ; ça me fait peur. » : leurs discours ressemblent davantage à des slogans idéologiques, quasi-religieux, qu’à une quelconque vérité scientifique.
Il est ici nécessaire de rappeler que l’important n’est pas l’outil en lui-même, mais bien plutôt ce qu’on en fait, et surtout qui en dispose. Cela rejoint quelque part les deux questions fondamentales de la philosophie, selon Emmanuel Kant : « Que puis-je savoir ? » et « Que dois-je faire ? ». L’accumulation de connaissances est une chose, certes, mais encore faut-il savoir quoi en faire.
Il est évident que si l’utilisation de l’intelligence artificielle reste aux mains du grand capital et de la bourgeoisie autoritaire, cela ouvre la voie à des dérives néfastes telles que le marketing intensif, le contrôle social, l’esclavagisme, etc ; de la même manière que la fusion nucléaire, entre les mains de l’impérialisme, a de grandes chances d’être employée, par exemple, à des fins de guerre et de destruction (bombe H, etc.).
En revanche, si ces avancées fondamentales sont mises au service d’une réelle planification socialiste, l’outil prend une toute autre dimension ; non plus tyrannique, mais libératrice ; non plus oppressante, mais émancipatrice. Les avancées, les innovations dans le domaine du nucléaire civil permettent et permettraient une énergie électrique très bon marché et plus sécure, ce qui contrevient à l'idée que de tels progrès soient par nature nocifs.
Pour ce qui est de la fusion nucléaire, elle pourrait permettre une production d’électricité qui non seulement décuplerait les possibilités que nous connaissons aujourd’hui en termes d’énergie, mais qui en plus de cela serait beaucoup plus « propre ». (1)
En ce qui concerne l’intelligence artificielle, les possibilités sont nombreuses – et, pour une bonne partie, déjà existantes : systèmes de ramassage d’ordures intelligents et automatisés, robots d’assistance à domicile ou qui permettent de construire des habitations, etc.
Ce n’est pas avec trois-quatre éoliennes qui battent de l’aile et quelques panneaux solaires que l’on va pouvoir produire l’énergie suffisante pour tout le monde, n’en déplaise aux fameux adeptes de la « décroissance », ces « escrologistes » qui pensent que l’« on produit trop » et qui, effrayés par les prédictions certes désastreuses concernant le réchauffement climatique et la dégradation de l’état de notre planète, font l’apologie d’un retour à « Dame Nature » où chacun vivrait dans son coin en consommant et en produisant le strict nécessaire (2).
Ceux-là ne se rendent pas compte qu’agir ainsi, 1°) cela ne fait pas société, et 2°) c’est laisser les mains libres au grand capital et servir en fin de compte ses intérêts. En effet, le capitalisme, dans son stade actuel, cherche à liquider les forces productives ; dans cette optique, la « décroissance », en supprimant des postes de management et de gestion, en rendant superflue la location de bureaux, d’ordinateurs, etc., est une idée qui lui sied à merveille.
En condamnant le nucléaire – car c’est ce qu’ils font – les « escrologistes » refusent la possibilité d’entrevoir quelque chose de nouveau à partir de ce qui a été et qui continue d’être produit, à savoir, notamment, les immenses promesses de la maîtrise de la fusion nucléaire à grande échelle.
À côté et à l’inverse de cela, il y a le camp du progrès : les ingénieurs, techniciens, ouvriers qui travaillent sur ces projets – que ce soit dans le domaine de l’intelligence artificielle, de la fusion nucléaire ou de tout autre domaine de recherche. Ces derniers doivent être activement soutenus et encouragés. Et pendant que certains prônent un retour romantique à la « nature » et condamnent de manière dogmatique la « surproduction » (surproduction de quoi ? où ? pour qui ?), d’autres bossent, avancent, et pavent la voie de l’émancipation de l’humanité tout entière.
Quand ils auront acquis tout leur potentiel et qu’ils seront gérés démocratiquement par les travailleurs eux-mêmes, ces outils pourraient faire en sorte de diminuer drastiquement le temps de travail aliéné et favoriser ainsi le développement de l’homme total en nous permettant d’acquérir un niveau de vie bien plus conséquent que celui que nous avons connu jusqu’à présent.
Un programme sérieux et réellement communiste doit donc se faire le champion du progrès et être à l’avant-garde des grandes avancées techniques et technologiques de notre temps.
Il doit être en mesure de promouvoir mais aussi de rappeler que ces outils sont tenus d’être entre les mains du peuple souverain, et qu’il est nécessaire que les décisions concernant leur usage soient prises collectivement, démocratiquement, à l’aune d’une planification socialiste qui serve les intérêts du plus grand nombre, et non ceux du grand capital.
Notes :