Ni tragédie ni farce : de mai 68 à mai 2018 – Conférence à Tolbiac
Retour sur la conférence de Loïc Chaigneau donnée à l'université de Tolbiac – alors occupée par des étudiants manifestant contre la loi ORE – au printemps 2018.
Dans le cadre des mobilisations étudiantes du mois de mai 2018 contre la loi ORE – relative à la sélection à l’entrée des études supérieures – et du blocage conséquent de la faculté de Tolbiac, le président de l’IHT était invité à donner une conférence sur le marxisme, le communisme, et pour donner des orientations en vue des luttes politiques de notre temps.
Le titre de la conférence, paraphrasant la formule célèbre de Marx sur l’histoire débutant comme tragédie et se reproduisant comme farce, sonne comme un appel à ne pas reproduire sur le mode de la parodie la « contre-révolution réussie » qu’a été le mai 68 étudiant. Les guevaristes à la petite semaine qui servaient de chefs à ces mouvements avaient juré la perte de la vieille France, incarnée par de Gaulle, et celle du Parti Communiste, qui avait le malheur d’avoir intuitionné, pour une part, le danger que constituait l’ouverture des nouveaux marchés de la séduction impérialiste (celui de la drogue en fut un exemple symptomatique). Les deux grandes forces politiques de la Résistance française au fascisme, dernières barrières qui protégeaient la société française du marché de la séduction américain, étaient abattues. À Tolbiac, soixante ans après ces événements, les étudiants s’insurgent contre des réformes que soutiennent les révoltés d’hier, devenus les gardiens de la réaction. Cohn-Bendit, Goupil, Kouchner, July, Courtois, ces noms qui appartenaient aux agitateurs de 68 composent désormais la Gérousie de la contre-révolution anti-nationale et de la sociale-démocratie pourrissante. Avec ses défauts et ses limitations, ses infiltrations et ses égarements, la volonté de changement ressentie par une partie des étudiants doit être comprise et replacée dans le contexte de la crise généralisée du capitalisme monopoliste d’État. Sélectionnés, en proie à la précarité, à la crise de sens, à la spéculation sur le logement ainsi qu’à des études aux débouchés restreints par le « dégraissage » de la fonction publique et la liquidation progressive de l’ensemble du travail vivant, les étudiants issus de milieux populaires doivent également supporter la solitude et le poids idéologique consistant à n’être perçus que comme une charge pour le contribuable, alors même qu’une majorité d’entre eux sont contraints de travailler pour financer leurs études, voire de souscrire à des emprunts qu’ils mettront des années à rembourser, au prix de l’exploitation. Pour eux, l’option révolutionnaire ne sera bientôt plus un choix.
Ceci compris, il devient évident que la lutte pour le communisme ne doit être ni une tragédie, comme le fut la Commune de Paris et sa « semaine sanglante », ni la farce pseudo-subversive des enragés du Quartier Latin. Ni gauchiste, ni dogmatique, un mouvement révolutionnaire conséquent doit concentrer ses efforts vers l’organisation rationnelle de la lutte politique en tenant compte des mutations de la société française et du capitalisme, dans le but de combattre pour la souveraineté de notre peuple, pour la sauvegarde et l’extension des conquêtes du mouvement ouvrier français.