Le Pass sanitaire est-il légitimé par la situation sanitaire ?
Démasquons l'idéologie qui se cache derrière l'argument selon lequel « la situation sanitaire légitime la mise en place du Pass sanitaire » et montrons la légitimité de la lutte contre ces mesures iniques !
Suite à la dernière vidéo publiée sur la chaîne de Loïc Chaigneau, cet argument récurrent nous a été envoyé : « La situation sanitaire exceptionnelle légitime la mise en place du Pass sanitaire ».
Prenons donc un moment pour l'analyser, puis pour en faire la critique.
Quand bien même la « situation sanitaire » actuelle du pays – et aussi inquiétante soit-elle – relève d'une analyse scientifique objective (1), elle ne peut en tant que telle être légitime pour prescrire une action.
La science peut dire ce qui est. Elle arrive même parfois à dire ce qui peut être. Mais jamais elle ne peut dire ce qui doit être fait. Ce qui doit être, ce qui sera décidé, présuppose toujours une finalité humaine et relève essentiellement du politique. Si la vérité scientifique a besoin pour exister de son autonomie vis-à-vis du politique, le politique a tout autant besoin de ne pas lui être subordonné.
Mais écartons par charité intellectuelle toute suspicion de scientisme (2) chez nos légitimistes. Lorsqu’ils disent que la situation sanitaire « légitime » l’imposition du Pass sanitaire, ils indiquent surtout que la décision politique de mise en place du Pass sanitaire est raisonnable au regard de l'intérêt général des Français, qui est d’en finir avec l’épidémie. Soulignons cette nuance qui sera très importante pour la suite : c’est donc bien la finalité commune présupposée d’un groupe politique : « Les Français », et elle seule, qui légitime le Pass sanitaire dans leur argumentation.
Avant même de nous interroger sur l'argument, reconnaissons sa force et comprenons pourquoi il est brandi, même au sein de certaines parties du camp progressiste. Sous son meilleur jour, il semble a priori concorder avec la définition rousseauiste de la liberté (dans son sens collectif) :
« L'obéissance à la loi qu'on s'est prescrite est liberté. »
Rousseau, Du Contrat Social
Autrement dit, le Pass sanitaire serait, contrairement aux apparences, le moyen d'accéder à notre liberté en tant que contrainte que nous avons décidé de nous imposer ensemble consciemment, dans le but de pouvoir accéder, collectivement, à davantage de libertés sur le long terme.
L’argument sous-entend donc que le peuple Français est souverain, et donc que a) la mise en place du Pass sanitaire s’est faite démocratiquement et b) qu’elle permettra à l’avenir de vivre plus librement.
- (a) La mise en place du Pass est démocratique
Première démonstration, Macron ayant été élu démocratiquement, il est légitime qu’il puisse prendre ce genre de décision pour le peuple Français. Cette justification se rencontre parfois également en ces termes : « mais on est en démocratie tout de même ».
Passons rapidement sur cette dernière en rappelant qu’il faut éviter de confondre la légalité et la légitimité d’un pouvoir. On peut actuellement questionner la légitimité d'un gouvernement arrivé par le filoutage des institutions de la Vème République et qui, même au sein de celles-ci, arrive péniblement à recueillir aux dernières élections régionales de juin moins de 3% des suffrages.
- (b) Le Pass permettra à l’avenir de vivre plus librement
La seconde démonstration, plus intéressante car moins abstraite, tend à expliquer que les Français ne sont pas toujours les mieux placés pour connaître ce qui est le mieux pour eux, que l’important est moins la démocratie que l’intérêt général et que, de toute façon, tout autre gouvernement élu à la place de celui d’Emmanuel Macron aurait agi de la même manière.
Nous tenons enfin le cœur de l’argumentaire : le Pass sanitaire est une décision consensuelle pour préserver notre intérêt. Il est la solution la plus efficace, la moins chère, comparativement à d’autres stratégies plus incitatives, et ce malgré les 60 millions d’euros de coût par mois en comptant uniquement le contrôle des Pass sanitaire dans les hôpitaux (3).
L'argument repose intégralement sur l’idée que nous partagerions la France comme un groupe social plus ou moins homogène et que, tout comme il y aurait un intérêt général commun à tous les Français, il existerait un critère d’efficacité unique qui permettrait de comparer entre elles les stratégies de lutte contre le virus. S’ensuit l’illusion d’avoir à considérer ce Pass sanitaire de manière isolée, politiquement et historiquement.
La force des bourgeois, c’est précisément leur capacité à nous intégrer dans un récit qui inverse systématiquement la perception des intérêts de la majorité d’entre nous.
« Pour qui ce Pass sanitaire est-il la stratégie de vaccination la plus efficace et selon quelle temporalité ? » : voilà la vraie question !
Pour y répondre il nous faut, à l’opposé de l’idéologie, commencer par restituer le processus historique qui en a fait la seule option possible pour la classe dirigeante.
La bourgeoisie doit toujours administrer et mener la guerre à la classe des salariés et des petits entrepreneurs d’une manière détournée. La crise du capitalisme, qui a fait son grand retour depuis la fin des années 80, ne peut être atténuée que par des mesures austéritaires à l’égard des populations.
C’est pourquoi, d'ailleurs, ces mesures austéritaires ont désormais de plus en plus besoin d’être accompagnées de mesures autoritaires pour être acceptées.
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Le terrorisme et la crise sanitaire sont les occasions parfaites de justifier ce processus de néofascisation. Alors, comme sont allés de pair l'État d’urgence et la Loi Travail, iront de pair le Pass sanitaire et la réforme des retraites.
Le Pass sanitaire est donc la stratégie de la bourgeoisie (représentée par Macron et son gouvernement) dans les intérêts des grands capitalistes.
Dissocier lutte contre le capitalisme et lutte contre la restriction des libertés publiques est inconséquent. C'est pour maintenir un capitalisme à bout de souffle que Macron et sa classe ont besoin de moyens de répression de plus en plus considérables.
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On peut, sans prendre beaucoup de risques, faire l’hypothèse suivante : après l'État d'urgence permanent, nous aurons la pandémie permanente.
Rappelons que c’est cette même gestion capitaliste qui a détruit ces dernières décennies notre appareil de santé et toutes les infrastructures qui auraient permis de faire face à la crise bien plus efficacement.
« Ce qui est fait pour nous, sans nous, est fait contre nous », comme on dit en Afrique.
En définitive, lutter contre le Pass sanitaire, contre le contrôle autoritaire, contre les mesures d'austérité, est la stratégie sanitaire la plus efficace sur le long terme pour que rien ne nous empêche de reprendre en main notre pays, pour reprendre en main notre santé et notre environnement (ce qui permettra de limiter les zoonoses (4)) et ainsi éviter dans les prochaines années toute nouvelle pandémie.
Nous ne nous engageons pas dans une lutte anti-scientifique, bien au contraire. Nous voulons voir plus loin que l'horizon de la rentabilité immédiate capitaliste, et refuser une science qui lui est subordonnée.
À l’inverse de l’idéologie dominante bourgeoise, et aux côtés des manifestants qui défilent chaque samedi dans toute la France, nous disons :
Non, le Pass sanitaire n'est pas légitimé par la situation sanitaire. Oui, la lutte contre le Pass est la stratégie la plus légitime contre la pandémie pour que cette crise sanitaire ne se reproduise plus !
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