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Noël : l'espérance en un royaume qui n'est pas de ce monde

Si 2020, l'année de pandémie du covid-19, a pu être la période qui nous a fait perdre espoir, alors pour 2021 nous disons : vive l'espérance !

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Par Loïc Chaigneau

Lecture 10 min

« La foi consiste au fond à tenir ferme la possibilité. C'était ce qui plaisait tant au Christ dans le malade (cf. Jean 5,5-9) quand, après avoir souffert pendant tant d'années, il croyait toujours, avec la même fraîcheur et jeunesse, que pour Dieu le secours était possible. »
Kierkegaard

Notre royaume n'est pas de ce monde

Dans la troisième lettre à Malesherbes du 26 Janvier 1762, Rousseau écrit :

« J'allais alors d'un pas plus tranquille chercher quelque lieu sauvage dans la forêt, quelque lieu désert où rien, ne montrant la main des hommes, n'annonçât la servitude et la domination. »

La nature apparaît ici pour Rousseau à la manière non pas d’un retour dont il nous dit par ailleurs dans le Contrat social, qu’on « s’en arracha à jamais », mais tel un recours. Un recours, un lieu du possible, en dehors d’une certaine société, d’une formation sociale, dans laquelle règnent la servitude et la domination. Il ne s’agit pas là d’un rejet de la société en tant que telle, mais des formes préhistoriques de la société telles que décrites par Marx, et donc le rejet de ce qui n’est pas encore une société. Rousseau est de ceux qui, tout en critiquant le moment présent, jettent dans le même temps les fondements d’une nouvelle société possible. Cela ne se fait pas à partir de l’imaginaire, de l’utopie, mais en inscrivant le développement de l’homme dans l’histoire : le contrat social doit être l’expression de la volonté générale, c’est-à-dire la liberté élevée au rang du collectif. Ainsi, il récuse d’abord l’acception d’une liberté qui ne serait que l’expression du désir comme manifestation inconsciente des pulsions et donc d’une aliénation par la chair. Mais il récuse aussi l’acception de la liberté comme stricte volonté individuelle : « quand chacun fait ce qui lui plaît, on fait ce qui déplaît aux autres » rappelle-t-il encore. Il y a donc un monde possible, expression de la liberté par l’intermédiaire de la volonté qui soit l’expression commune des hommes en dehors du carcan dans lequel ils semblent emprisonnés. Cette formation sociale où règnent la servitude et la domination n’attend pas un retour en arrière mais une marche avant.

De la même manière, lorsque Jésus-Christ dit « mon royaume n’est pas de ce monde » (Jean 18 :36), nous ne devrions pas nous hâter d’interpréter ce « monde » comme « l’univers ». Au contraire, le langage courant nous indique bien qu’il s’agit de deux concepts différents, le premier renvoyant d’abord à un rapport social (κόσμου), le second aux lois physiques (σύμπαν). Pour preuve, s’il fait sens de dire : « nous ne sommes pas du même monde », pour signifier une différence de classe sociale, ce sens n’est absolument pas le même si nous disons « nous ne sommes pas du même univers », et la première acceptation est étrangère à la seconde. Il semble donc que Jésus-Christ nous indique, comme plus tard Paul Eluard « qu’il y a un autre monde, mais il est déjà dans celui-ci ». Cet autre monde n’attend que nous, il se réalise dans l’immanence et non dans la transcendance et c’est en ce sens que Dieu, comme reflet de la liberté, est présent en chacun de nous.

→ À lire aussi : Rousseau, une profession de foi civile

Mais encore une fois, la raison ne conçoit bien que ce qu’elle produit elle-même, et si nous ne nous donnons pas les moyens d’abord de voir le déjà-là présent de cet autre monde mais plus encore les moyens de le poursuivre, alors il nous apparaît comme étranger ou ailleurs. Or, cet autre monde n’est ni là-bas, ni ailleurs, mais bien en acte derrière les mystifications idéologiques. Et puisqu’il est question de Noël, arrêtons-nous un instant sur un exemple compréhensible par tous : lorsque nous étions enfants, il nous était tout à fait possible d’imaginer un monde dans lequel le père Noël existât, parce que malgré les absurdités logiques d’une telle existence, cela nous paraissait vraisemblable ; à la manière d’une fiction dans laquelle on pénètre un temps et dont on peine à sortir si l’auteur nous guide correctement. Pourtant, il nous était possible de déceler un certain nombre d’incohérences que nous ne tardons pas avec l’âge à découvrir. Une fois que nous apprenons l’inexistence du Père Noël, il nous apparaît alors évident que tout ce en quoi nous avions cru jusqu’ici était faux. Nous découvrons par la même occasion que nous aurions pu nous en rendre compte à de multiples reprises, mais comme nous ne concevions pas bien un monde sans père Noël, cela nous était alors inaccessible. Nous avons grandi depuis et les voiles idéologiques — la religion du capitalisme — tissent en nous des modèles vraisemblables, quoique faux, qui nous empêchent d’accéder à un monde pourtant déjà-là mais que nous ignorons.

→ À lire aussi : Le concept d'idéologie chez Marx et Engels

Il n’y a plus d’espoir, vive l’espérance

En cette année 2020, nombreux sont ceux qui perdent espoir. Et pour cause, nous n’allons pas revenir ici sur l’évidence des dégâts de tous ordres, tant sanitaires que politiques et humains, que cette année a rendue possible.

Toutefois, nous pouvons peut-être nous réjouir du fait qu’il n’y ait plus d’espoir. Parce que là-encore l’espoir est un désir, au mieux un sentiment et comme tout désir, il est d’abord un manque, le manque de ce que nous jugerions meilleur. Or, Spinoza nous signalait très justement déjà que ce n’est pas parce que les choses sont bonnes que nous les désirons, mais bien parce que nous les désirons que nous les jugeons bonnes. Le désir n’est donc pas derrière nous, mais devant. L’espoir ne parvient jamais à sa fin, puisqu’il vise toujours quelque chose qui, déjà, manque. Le réel désir ne peut se porter que sur ce qui est déjà là. Mais l’espoir est une abstraction, un désir élancé vers quelque chose qui en même temps est ignoré. C’est en ce sens que l’espoir n’est pas de l’ordre de la raison. Or, seule la raison peut nous déterminer selon une fin. Lorsque nous nous donnons une fin raisonnable à poursuivre, parce que délibérée, nous faisons acte de raison et c’est elle qui guide notre volonté et non plus nos passions ou nos pulsions.

Il n’y a plus d’espoir, alors vive l’espérance. Là-encore, si l’espérance est l’une des trois vertus théologales avec la foi et la charité, il nous semble nécessaire de la comprendre autrement qu’à la manière d’une confiance pure et absolue dans ce qui advient comme si cela ne relevait ou ne dépendait pas de nous. L’espérance est dialectique, elle perdure y compris dans les moments où l’espoir tend à s’estomper au gré des circonstances. Trop souvent espoir et espérance sont opposés comme deux formes d’irrationalisme. L’espoir en tant qu’émotion chancelante et dépendante de l’extérieur, l’espérance comme confiance mise dans la transcendance et qui nous place comme spectateur d’un monde déjà organisé par Dieu. À les considérer ainsi, nous récusons ces deux approches. Mais plutôt que de voir dans l’espérance une confiance absolue dans la transcendance, nous voulons y voir une confiance dans notre capacité à nous organiser pour poursuivre et prolonger un monde qu’on ne saurait encore voir. Dès lors, il ne suffit pas de le vouloir ou et d’y placer notre espérance, mais de comprendre que ceux-ci puisent leur source dans l’histoire et donc dans les actions de ceux qui nous ont précédé et qui ont posé les premiers jalons de cet autre monde.

Ce que Marx nous enseigne de l’histoire, ce n’est pas qu’elle fonctionne telle un mécanisme dont les rouages nous conduisent à la Révolution. Marx nous enseigne plutôt que « l’histoire ne fait rien », pour reprendre la formule de Engels, mais que nous faisons l’histoire ; dans des conditions bien sûr déterminées mais à partir desquelles nous posons une fin. L’histoire est le lieu du possible, d’un autre monde possible en dehors de la religion capitaliste et du fétichisme de la marchandise. Si 2020 nous a fait perdre espoir, gageons que 2021 soit l’année de l’espérance en tant qu’expression consciente d’une classe révolutionnaire en acte qui s’efforce de produire le mouvement réel d’abolition du capitalisme.


Sur ces questions, voir aussi :

Christianisme et communisme :

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