Sandrine Rousseau, vers un pétainisme arc-en-ciel ?
Suite à l'apparition de Sandrine Rousseau dans "Le Média", nous avons recensé les points clés de son exposé afin de montrer en quoi elle représente la synthèse d'une certaine doxa écologiste.
Note préliminaire : les citations sont des transcriptions littérales de l'entretien de Sandrine Rousseau disponible ici : Retrouver le lien avec la nature sauvage - Entretien du Média avec Sandrine Rousseau.
Pour ceux qui n'auraient pas le courage de s’infliger les trente minutes d’inepties (1) que Sandrine Rousseau enrobe dans un verbiage bien-pensant, voici un florilège :
L'éco-féminisme, dont Sandrine se revendique, est présenté comme « la critique des dominations et les dégâts que cela fait sur la planète ». Inutile de préciser que derrière la catégorie néo-foucaldienne de « domination », on voit déjà apparaître en creux, non pas la bourgeoisie, mais les hommes, blancs il va de soi, et leur volonté d'asservir notre planète Terre. Sandrine précise rapidement que l'on « exploite la nature comme les femmes, on utilise la nature comme une ressource, on doit retrouver le lien avec la nature pour qu'il n'y ait pas de rapport de domination ». Un peu plus loin, elle évoque un parallèle entre le double rapport de « consommation » que l'homme aurait à l'égard de la femme et de la nature. Sandrine étant établie dans le Nord, on y verrait presque une référence dissimulée à la « gueule noire », cet ouvrier de l'ancien bassin minier, violent, misogyne et destructeur de la nature. Ainsi, le travailleur autrefois exploité devient pour Sandrine lui-même un exploiteur, à la fois du ventre de mère Gaïa et de celui de son épouse.
Après le travailleur-exploiteur, c'est l'être humain en général qui se retrouve sur le banc d'accusation. Sandrine affirme que l'on « n'est pas en dehors de la nature » et elle fustige « l'arrogance d'être au dessus de la nature » pour préciser que « quand la nature est malade, l'humain est malade ». Elle ne renonce pas non plus à affirmer, au milieu du studio audiovisuel épuré du Média, que « nous sommes Un parmi la nature », s'appuyant ainsi sur un cadre théorique de néo-spinozisme et sur des théories de développement personnel bas de gamme. Il faudra qu'un jour un de ces « racisé.es » africains dont elle se fait la championne lui rappelle que le paludisme est toujours une des premières causes de mortalité au monde, transmis par un moustique 100% bio...
Pour mettre fin à cette domination viriliste de pachamama (la terre-mère) Sandrine propose - entre autres - de faire de 10% du territoire français un espace naturel en protection totale, sans intervention humaine aucune. On imagine qu'il ne s'agira pas de faire un désert du centre ville lillois, où elle prend ses frappuccino bio-équitables, mais bien de la campagne française où ne vivent plus que quelques indigènes (autrefois appelés « paysans ») ayant un rapport à la nature désormais devenu archaïque. Il faudra également qu'un de ces paysans déconnectés de la nature, qui, pour Sandrine, asservit la faune comme il asservit sa femme, lui explique qu'une population de sangliers double tous les ans sans intervention humaine. Mais de tels détails de la gestion concrète des espèces sauvages ne rentrent pas en compte dans les utopies sauvages de Sandrine. Si elle finit par admettre la nécessité potentielle de réguler cet espace « sauvage », elle ne désespère pas qu'on parvienne à retrouver son équilibre « naturel », les espèces invasives étant régulées par les autres (le loup peut-être, dont on connaît le caractère paisible...?).
Pour comprendre la psychologie « rousseauiste » (sic) qui lui permet de nous proposer ces dystopies absurdes, il faudra se tourner vers ses fondements épistémologiques (sa théorie de la connaissance), qui est, de son propre aveu, inexistante. Ainsi Sandrine nous apprend que « on ne peut pas appréhender uniquement intellectuellement ce qui va se passer, les politiques se sont privés de leurs sentiments et de leurs émotions, on n'a pas besoin d'être rationnel ». En plus, « on a oublié les contraintes naturelles », il faudrait en revenir au « bon sens ». Ce bon sens devrait nous inciter collectivement à faire séjourner Sandrine dans un de ces espaces sauvages qu'elle appelle de ses vœux, afin de lui faire comprendre que ce sont justement ces « contraintes naturelles » que l'homme s’efforce de diminuer depuis le début de son existence. On pourra alors constater à quel point elle se sentira « unie » à sa nature fantasmée... Son rapport « sensible » à l'écologie a conduit Sandrine, et bon nombre de jeunes qu'elle endoctrine, au bord de l'écolo-dépression (dont sa rémunération a du, contrairement à ses victimes idéologiques, la guérir assez rapidement...). Avant de procréer elle s'est ainsi demandé quel monde elle allait laisser à ses enfants. On se demandera quant à nous, dans le sillage de Jaime Semprun, quels enfants elle va laisser au monde...
La régénération cosmique dont Sandrine se fait la prophète repose sur un « nouveau contrat social ». Si celui-ci peut être dit « rousseauiste » ce n'est certainement pas au sens que lui donnait le bon vieux Jean-Jacques... Ainsi, elle propose, comme mesure « écolo-sociale », le revenu minimum d'existence (le revenu de base), vieux projet néo-libéral pour maintenir un minimum de demande et d'ordre social en détruisant par ailleurs ce qu'il reste des « acquis sociaux ». D'ailleurs, la question sociale, tout comme celle de la santé, est renvoyée en dernière instance à la question environnementale. On voit que la santé des français ne passera pas tant par un refinancement massif de l’hôpital public que par la réduction de la pollution en centre-ville afin d'amoindrir le risque de cancer de Sandrine et ses ami.e.s, qui iront se faire soigner en clinique privée le cas échéant.
Pour Sandrine, la naissance même du capitalisme coïncide avec l'exploitation de la nature (faut-il rappeler que la plus grande déforestation date du Moyen-Âge ?) et « des plus vulnérables », c'est-à-dire les femmes et les « racisé.e.s ». Les hommes blancs étant au XIXè siècle certainement en train de profiter de l'exploitation du charbon et des fourneaux pour assouvir leur volonté de domination patriarcale sur notre planète. Selon Sandrine, il serait néanmoins possible de « réguler » ce capitalisme, tentative inédite à ce jour, dont Sandrine a eu l'idée autour d'un brunch éco-friendly, afin de voir ce que cela pourrait donner. Mais derrière les bonnes intentions viennent s'inscrire des propos plus malicieux. Sandrine pourfend en effet le « libéralisme ». Il faut réguler et réduire les choses, limiter les activités polluantes, « l'écologie va aussi être du moins ». Du moins pour qui ? C'est l'inconnue de l'équation, mais on peut imaginer que ce sera probablement du moins pour l'ouvrier-exploiteur. Celui-ci peut s'attendre à un retour de bâton de la nature « rousseauiste » qui va lui ôter la télé couleur qu'il a frauduleusement extraite des entrailles de Gaïa. Ainsi on aperçoit déjà les mesures autoritaires et anti-populaires derrière les chants d'oiseaux de Sandrine, qui révèle également son intention de faire un mandat unique, afin de laisser « place à la démocratie » après son passage... inclusif. Couplé avec un discours sur le local et le régionalisme, cette rhétorique n'a pas grand chose à envier aux heures les plus réactionnaires de notre histoire, et on a envie de dire que pour Sandrine, « la terre ne ment pas »...
Si Sandrine ne le mentionne pas directement, à l’exception d’une petite pique visant à relayer le mythe du nuage de Tchernobyl qui aurait dévasté la France, il va de soi qu'elle veut sortir du « nucléaire le plus rapidement possible » (2). Sans charbon, sans nucléaire, et sans couper des arbres ni déranger les castors, on se demande si la majorité des français vont apprécier ce retour à la nature sauvage ; mais il ne faudrait pas laisser ceux-ci détruire la bonne sentimentalité de Sandrine, qui sera sûrement « au vert » avec son éolienne privée, au nom de quelque chose d'aussi vétuste en politique que... la raison.