La stratégie du "consomm'acteur" : une escroquerie ?

On entend souvent, de la part de personnes sans doute de bonne volonté, l’argument selon lequel ce serait nous, citoyens, citoyennes, qui aurions le pouvoir de mettre à mal les institutions capitalistes. Comment ? En choisissant de consommer d’une manière plutôt que d’une autre, par exemple en faisant le choix d’acheter directement chez de petits producteurs locaux plutôt que dans les grands supermarchés. Nous aurions, par le biais de notre consommation, le pouvoir économique.

Mais cet argument ne tient pas, et ce pour plusieurs raisons.

Premièrement, il est faux de dire que nous avons tous le pouvoir de choisir de consommer de telle ou telle manière. En effet, beaucoup de Français perçoivent de très bas salaires et ont du mal à démarrer le mois - sans parler, bien sûr, de le boucler. Ils sont donc contraints d’acheter leurs biens de subsistance dans des endroits bon marché, qui sont souvent des grandes surfaces aux mains des capitalistes (Lidl, Leader Price, Aldi, etc.).

Ce discours du “consomm’acteur” est généralement tenu par des personnes qui ne font pas partie des classes les plus précarisées. Elles ont tendance à oublier que de nombreux Français n'ont pas le luxe de choisir leur nourriture, et ce pour des raisons économiques évidentes.

Femme choisissant des fruits et légumes (Jcomp / Freepik)

De plus, revendiquer des modes et des choix de consommation différents, c’est permettre l’obtention et le développement de nouveaux marchés pour le capitalisme - et donc son maintien. Ce dernier, en effet, s'accommode sans problème des “nouveaux” choix de consommation, que ce soit le local, le bio, l’éco-responsable, etc. Il suffit, pour s’en convaincre, de constater le greenwashing de McDonald’s (“poules élevées en plein air”, “100% de nos huiles transformées en biocarburant”), les publicités des magasins U (“fiers d’être engagés auprès de nos producteurs locaux”), parmi bien d’autres exemples.

Plutôt que de se concentrer sur notre consommation, il pourrait être bien plus efficace d’agir sur la production. Faisons la grève générale, bloquons la production, et alors seulement nous mettrons à mal la bourgeoisie capitaliste, qui ne vit et ne s’enrichit que grâce à notre travail.

Mais, plus que tout, le problème principal que pose cet argument du “consomm’acteur”, c’est qu’il nie complètement notre capacité à agir collectivement.

Il s’inscrit en effet dans l’idée malheureusement très répandue de “la solution locale pour un désordre global”, qui laisse entendre que la lutte se jouerait sur le plan individuel plutôt que sur le plan collectif (on peut sur ce point faire un parallèle avec les “petits gestes du quotidien pour la planète” - trier des déchets, ne pas laisser couler l’eau du robinet, etc. - gestes bien dérisoires quand on sait la pollution générée par des multinationales telles que Total, Gazprom ou ExxonMobil, pour ne citer qu’elles).

Emblèmes écologie (Macrovector-official / Freepik)

Or, cette idée que l’on peut tous faire des choix individuels pour changer le monde (la fameuse légende du colibri qui “fait sa part”) est problématique : elle est le contraire absolu de ce qui a permis les conquêtes sociales que nous connaissons, conquêtes qui sont le fruit d’une avant-garde révolutionnaire structurée dans un Parti Communiste puissant et organisé, avec des syndicats et des organes de classe correctement institués.

→ À lire aussi : Comment nos anciens ont-ils obtenu ces conquêtes sociales

L’argument du “consomm’acteur” s’inscrit parfaitement dans l’idéologie libérale : il vise à faire de nous des individus atomisés, à détruire toute pensée possible d’une construction d’un sujet collectif au niveau historique et macro-économique qui permette de réellement lutter contre le mode de production capitaliste.

Pour finir, il est important de revenir sur l’idée de “tous citoyens et citoyennes”. Les travailleurs sont des citoyens, mais Emmanuel Macron, Bernard Arnault, la famille Mulliez, etc. le sont aussi ; le problème, c’est que ces derniers n’appartiennent pas, de par leur place dans le procès de production, à la même classe sociale que la majorité d’entre nous. Ils ont donc des intérêts divergents des nôtres.

Ainsi, le concept de “citoyen” est contre-productif parce qu'il nie la lutte des classes et invisibilise l'ennemi. C'est pourquoi les concepts de “prolétariat” et de “bourgeoisie” enlèvent tout confusionnisme dans les représentations et rappellent les véritables acteurs de l'histoire, en lutte pour leurs intérêts.

Comprendre les classes sociales, la lutte des classes, le prolétariat, la bourgeoisie et les rapports d'exploitation.

Découvrir

La stratégie du “consomm’acteur” est donc bel et bien une escroquerie. Il faut absolument lutter contre ce genre de discours qui, s’il semble au premier abord sensé, logique et bien construit, n’est en réalité que le reflet de l’idéologie dominante. C’est une stratégie profondément contre-révolutionnaire qui dessert nos intérêts de classe et fait le jeu de la réaction.