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Métapolitique

Pour une mythologie de la raison

Ce dont notre siècle a besoin, c’est de la communion entre Marx et Homère ; soit du mythe qui nous enseigne et dit le monde, mais aussi de l’appareil théorique qui permet de le comprendre. C’est de ramener à la conscience le produit historique qu’est la psyché et de le lier à la praxis.

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Par Loïc Chaigneau

Lecture 15 min

« Tant que nous n'avons pas rendu les Idées esthétiques, c'est-à-dire mythologiques, les Idées n'ont aucun intérêt pour le peuple ; et inversement tant que cette mythologie n'est pas rationnelle, elle est un objet de honte pour le philosophe. »
Hegel, Schelling et Hölderlin, Le plus ancien programme systématique de l’idéalisme allemand



I - Le Combat politique est un combat contre soi-même.

« Ce qui est déterminé au fur et à mesure de la particularisation consiste la différenciation par laquelle la volonté prend forme :
Dans la mesure où la détermination spécifiée est opposition formelle du subjectif et de l’objectif comme existence extérieure immédiate, on a la forme de la volition comme prise de conscience de soi. Elle rencontre un monde extérieur, et en tant que dans cette détermination spécifiée, l’individualité rentre en soi, elle est le processus qui réalise le but subjectif par la médiation de l’activité et des moyens. Dans l’esprit tel qu’il est en soi et pour soi, la détermination spécifiée devient sa propriété et sa vérité (Encycl., 363), et la relation à l’extérieur qui est dans la simple conscience du dehors n’est que le côté phénoménal de la volonté qui ici n’est plus étudié pour soi. (…) ».

Hegel, Principes de la philosophie du droit, introduction, §8

À l’exact inverse du 43ème président des Etats-Unis d’Amérique, G.W. Bush, qui définissait de façon duale, binaire et exclusivement extérieure le bien et le mal, il nous faut constater d’abord que les notions de bien et de mal, de bon et de mauvais sont contenues dans le sujet lui-même. Plus encore, elles sont contenues dans l’expérience sensible du corps-sujet, qui fait en lui-même et dès son plus jeune âge l’expérience de ce qui est bon pour lui et de ce qui est mauvais, se refusant le plus souvent à retourner vers l’expérience du mauvais. Néanmoins, l’enfant peut être tenté par l’expérience du mal sur autrui, en vue de faire de l’autre la proie de son désir. L’éducation consiste alors à créer en chacun un mouvement de « nolonté », c’est-à-dire de ne-pas-vouloir. Le cynique Antisthène, interrogé par le roi Cyrus sur la science la plus importante de toute, lui répondit : «  Désapprendre le mal » . Cela revient à refouler volontairement ses désirs superflus pour progresser vers la sagesse ; c’est là une tâche philosophique.

Aussi, la politique est l’occasion pour le sujet de promouvoir à l’extérieur ce qu’il refoule à l’intérieur : la violence qu’il sait exister à l’état naturel. C’est cette même violence que la nature nous renvoie chaque fois qu’elle en a l’occasion (n’en déplaise aux renégats de l’humanisme qui s’accordent mieux désormais sur les accords du naturalisme ambiant). Ceux-là même qui, au Corps-sujet historique dont il faut faire la genèse, préfèrent parler aujourd’hui d’un retour à une « société de l’être » chimérique. L’emprunte de l’être générique n’est rien d’autre que la substance ne s’étant pas encore faite sujet et dont il ne découle rien, si ce n’est le processus dialectique qui doit l’accompagner dans son cheminement historique.

Si nous désirons la justice, c’est parce qu’avant même de la percevoir politiquement, nous sommes à même d’en faire l’expérience sensible et personnelle, de la commettre et de la subir. Ce n’est donc pas parce qu’elle est extérieure à nous, comme le mal inconnu, mais bien, plutôt, comme présence accaparante, susceptible à jamais de revenir. C’est cette présence fascisante en moi, que ma nolonté refoule, que j’exècre à l’extérieur de moi, politiquement.
Sur le même schéma, mais dans des considérations politiques opposées, c’est par la justification rhétorique du sur-humain, au sens littéral ou social de la sélection dite « naturelle », que j’entends prôner à l’extérieur (le fascisme et ses différents degrés) ce qui n’est pas raisonné à l’intérieur.

La politique ne se fait donc pas avec des jugements de valeur, mais sur une concrétisation politique de la conscience, comme retour à soi collectif.

C’est donc aussi à ce Corps-Sujet réceptif, mais pas nécessairement raisonnable, qu’il faut s’adresser. L’esthétique est l’occasion pour le Corps-sujet de faire l’expérience du réel, indirectement. L’esthétique, bien que non mathématique est ce qui en premier vient capter notre attention, comme une chose, un dos du monde qu’on ne saurait entrevoir par le recours exclusif à la rationalité entendu comme entendement.

Cela se confirme d’ailleurs d’un point de vue physiologique. Le but de nos systèmes nerveux et glandulaires est principalement de nous maintenir en vie autant que possible. Cela explique que lors de chocs trop violents ou brutaux, notre corps prendra le contrôle sur notre volonté et préfèrera nous conduire à l’évanouissement. Aussi, nous savons qu’à tout moment, nos trois cerveaux principaux, fruits de l’évolution : le cerveau reptilien, le mammalien et le néocortex réagissent successivement en cet ordre (1). Cela signifie que lors d’une conversation, ou d’un évènements quelconque, c’est d’abord et toujours le cerveau reptilien qui crée l’attention (et non la concentration), vers ce qui lui semble prioritaire. Le cerveau mammalien, qui gère l’aspect émotionnel, réagit en second. Enfin, si cela en vaut la peine, le néocortex se charge d’intégrer les informations nécessaires. Nous savons par exemple aussi qu’interrompre quelqu’un en essayant de le convaincre uniquement avec des arguments absolument rationnels est voué à l’échec dès lors que nous n’avons pas été en mesure de convoquer correctement et d’abord les deux autres cerveaux. Ceci peut en partie expliquer les difficultés qu’il y a à faire changer d’avis une personne malgré les efforts argumentatifs. En dernière instance, pour un individu lambda, cette modification entraîne un risque de déstructuration physiologique dont il ignore les conséquences alors que dans l’instant, il se maintient parfaitement en vie. C’est là, le seul enjeu.

Aussi, en prenant cet ensemble en considération, pouvons-nous nous passer du poète qui par le recours au logos, s’emploie à toucher aussi l’expérience sensible émotionnelle ? Pouvons nous nous passer de celui qui dit le monde ? Comment dès lors, accepter la jonction entre le rationnel et l’irrationnel a priori, pour construire une théorie complète, et non des notions fixes et doctrinaires ?

Manuscrit d'Arthur RimbaudManuscrit d'Arthur Rimbaud (Nicolas Tretiakow / Wikipédia)

II - De la philosophie de l’être à celle du Corps-Sujet de la praxis et de la psyché.

« (…) Nous devons avoir une nouvelle mythologie, mais cette mythologie doit être au service des Idées, elle doit devenir une mythologie de la raison. »
Hegel, Schelling et Hölderlin, Le plus ancien programme systématique de l’idéalisme allemand

« Les idées de la classe dominante sont aussi à toutes les époques les idées dominantes ; autrement dit la classe qui est la puissance matérielle dominante de la société est aussi la puissance dominante spirituelle. La classe qui dispose des moyens de la production matérielle dispose du même coup des moyens de la production intellectuelle, si bien que, l'un dans l'autre, les pensées de ceux à qui sont refusés les moyens de production intellectuelle sont soumises du même coup à cette classe dominante. Les idées dominantes ne sont pas autre chose que l'expression idéale des rapports matériels dominants, elles sont ces rapports matériels dominants saisis sous forme d'idées, donc l'expression des rapports qui font d'une classe la classe dominante ; autrement dit, ce sont les idées de sa domination. »
Marx & Engels, L’Idéologie allemande

→ À lire aussi : Le concept d'idéologie chez Marx et Engels

Si l’élite marxiste parvient au Concept, qu’en est-il des masses ?
L’acte théorique concret, dialectique et émancipateur, se tord pour n’être plus qu'un ensemble de notions ayant perdu toute dynamique. Au lieu d’une compréhension dialectique du réel, c’est la doctrine qui prend le pas ; et le discours révolutionnaire ne dit plus le réel en offrant, comme il l’a fait, les idiomes donnant accès à une autre compréhension du monde. Or, c’est là son essence : combattre l’hégémonie culturelle de l’idéologie dominante qui impose son discours sur le réel comme vrai, sans que nul ne soit en mesure de lui porter atteinte.

Ce que Marx et Engels nous ont légué, c’est une méthode d’émancipation des classes populaires, par l’intermédiaire d’une appréciation rationnelle du réel et de l’Histoire. Or, la confusion entre le discours et le réel ainsi que l’oubli de la psyché conduisent à l’échec. C’est l’épistémologie qui produit la Conscience et sa dynamique révolutionnaire, non l’agitation politique ; mais à elle seule, elle ne se suffit pas.

Ce dont notre siècle a besoin, c’est de la communion entre Marx et Homère ; soit du mythe qui nous enseigne et dit le monde, mais également de l’appareil théorique qui permet de le comprendre. Ce dont ce siècle a besoin c’est d’un christianisme rationnel (2), d’une critique de l’économie politique portée par la mythologie, sans tarir sur sa logique. En cela, il faut saisir « ce qu’il a de plus matérialiste chez Marx et de plus idéaliste chez Hegel » (3). Ainsi nous pouvons prendre le contre-pied tout à la fois des pensées « new Age » irrationnelles et de l’intellectocratie. C’est combattre tout à la fois l’idéologie dominante (de la classe dominante), sans se faire pour autant l’écho de l’opinion commune comme le font les faux-clercs ou faussaires qui remplissent les plateaux de télévision (Zemmour, Onfray, Finkielkraut… ).

Néanmoins, le politique demeure une nécessité première pour faire advenir et/ou conserver l’esthétique. « Le vrai, c’est le tout » ; il nous faut donc rompre avec l’idéalisme de la praxis qui, précisément, ignore la praxis et la sépare de la psyché — dans la continuité de Kant qui scie l’ontologique et le logique —. Ceci est le résultat de l’idéologie anhistorique de la bourgeoisie, faite par et pour elle ; et qui prend les formes de sa domination réelle (institutionnelle, culturelle), en niant le procès de production. D’ailleurs cette domination culturelle s’inscrit dans les formes romanesques qui l’accompagnent.

Or, l’acte théorique concret, global et révolutionnaire qui permet l’engendrement réel d’une pratique elle-même révolutionnaire doit être à même de proposer la synthèse idéologique par laquelle les rapports sociaux constituent une totalité au profit de tous les hommes et non au profit d’une classe dominante. C'est-à-dire : ramener à la conscience le produit historique qu’est la psyché et le lier à la praxis.

Il est de notre devoir d’actualiser, de dépasser sans jamais s’en passer, le marxisme sur les mêmes bases que celles posées par Marx dans une lettre à Arnold Ruge en 1843 :
« (...) Je ne suis pas d’avis que nous arborions un emblème dogmatique. Au contraire, nous devons nous efforcer d’aider les dogmatiques à voir clair dans leurs propres thèses. C’est ainsi en particulier que le communisme est une abstraction dogmatique, et je n’entends pas par là je ne sais quel communisme imaginaire ou simplement possible, mais le communisme réellement existant, tel que Cabet, Dézamy, Weitling, etc. l’enseignent. Ce communisme-là n’est lui-même qu’une manifestation originale du principe de l’humanisme. Il s’ensuit que suppression de la propriété privée et communisme ne sont nullement synonymes et que, si le communisme a vu s’opposer à lui d’autres doctrines socialistes, comme celles de Fourier, Proudhon, etc., ce n’est pas par hasard, mais nécessairement, parce que lui-même n’est qu’une actualisation particulière et partielle du principe socialiste.
Et le principe socialiste dans son ensemble n’est à son tour que l’une des faces que présente la réalité de la véritable essence humaine. Nous devons nous occuper tout autant de l’autre face, de l’existence théorique de l’homme, autrement dit, faire de la religion, de la science, etc., l’objet de notre critique. De plus nous voulons agir sur nos contemporains, et plus particulièrement sur nos contemporains allemands. La question est : comment s’y prendre ? Deux ordres de fait sont indéniables. La religion d’une part, la politique de l’autre, sont les sujets qui sont au centre de l’intérêt dans l’Allemagne d’aujourd’hui ; il nous faut les prendre comme point de départ dans l’état où elles sont et non pas leur opposer un système tout fait du genre du Voyage en Icarie. La raison a toujours existé, mais pas toujours sous sa forme raisonnable. On peut donc rattacher la critique à toute forme de la conscience théorique et pratique et dégager, des formes propres de la réalité existante, la réalité véritable comme son Devoir-Être et sa destination finale. En ce qui concerne la vie réelle même, l’État politique, là même où il n’est pas pénétré consciemment par les exigences socialistes, renferme dans toutes ses formes modernes les exigences de la raison. Et il ne s’en tient pas là. Il suppose partout la raison réalisée, mais par là même sa destination idéale entre en contradiction avec ses prémisses réelles. »

La mythologie de la raison est l’alliance entre Marx et Homère. La méthode dialectique, critique et historique, alliée au récit révolutionnaire exprimant les conditions matérielles réelles qui rompt avec l’idée du Capital comme pure entité métaphysique. Que le Capital « sue le sang et la boue par tous les pores », cela va être dit maintenant que cela a déjà pu être pensé. Quand Homère conte le cri et la colère d’Achille, il traduit déjà, par la forme de son récit écrit et par le fond, les prémisses de l’accumulation primitive antique et guerrière et, dans le même temps, sa contradiction interne au travers de la figure de proue d’Achille.

Triomphe d'Achille devant Troie après le meurtre d'Hector qu'il traine à l'arrière de son charTriomphe d'Achille devant Troie après le meurtre d'Hector qu'il traine à l'arrière de son char (Franz von Matsch / Wikipédia)

III - Sortir d’une mystification de la raison.

« Non seulement pour la « marxologie », mais pour l’épistémologie, et avant tout pour l’histoire, il est dommage que presque toutes les éditions de Marx isolent les œuvres, bouleversent leur chronologie, distinguent entre leurs contenus et leurs « genres » (œuvres « économiques », « politiques », « philosophiques », etc.) alors que la force de Marx est de traiter les problèmes non sous tous leurs aspects, mais par tous leurs aspects mis en relations, ses leçons ressortant précisément de ces combinaisons dans leurs acquisitions successives. »
Pierre Vilar

Nous sommes en crise, voici le leitmotiv ambiant de la pensée contemporaine. Mais qu’est-ce que cela signifie ? Il est intéressant de se référer à la signification grecque du mot crise qui évoque le fait de devoir faire un choix, ou bien même au sens du chinois mandarin qui voit dans la crise (weiji) tout à la fois un danger (weiwian) et une opportunité (jihui). Cela n’est pas sans rappeler le contenu historique de ces moments de crise que l’humanité a connu et dont elle a pu avoir besoin. Aussi, il faut penser cette crise comme un moment dialectique et tragique. Rappelons que ce qui caractérise le tragique est justement la rencontre de forces, de deux choix, a priori égaux ou équivalents et dont la sortie semble imprécise. Chacun se souvient du choix tragique d’Antigone prise au piège entre les lois de la cité et celles du cœur ou bien le dilemme cornélien, plus tardif mais reflet d’un moment historique précis, où Rodrigue doit choisir entre l’honneur de sa famille et son amour pour Chimène. Ces exemples littéraires illustrent en un point d’ancrage particulier une problématique qui concerne parfois toute l’humanité.

Le mythe demeure alors aux origines le poème du peuple, l’échange possible par la parole en vue de formuler, même inconsciemment, les nouveaux axiomes à même de comprendre et de dépasser le moment présent. La crise, ou peut-être les crises, que nous connaissons intervient comme la remise en cause de l’épistémologie et de la gnoséologie bourgeoise qui ont pu affirmer la domination réelle d’une classe en pleine ascension, mais sans en affirmer le caractère universel. Comme l’écrivait Hegel dans ses Leçons sur la philosophie de l’histoire : «  (…) Les Romains savaient seulement que quelques-uns sont libres, non l’homme, en tant que tel. (…) ». Or, dans le processus historique de libération qui nous intéresse, nous devons construire une épistémologie universelle à même de répondre aux nécessités matérielles qui font advenir la liberté ; non plus pour quelques-uns, mais pour tous. C’est cela aussi la mythologie de la raison : la reconnaissance de l’auto-mouvement dialectique comme seule force à même de faire de la philosophie, au sens hégélien, une « science objective » (4).

→ À lire aussi : Épistémologie historique : théories, pratiques et conditions objectives

En ce sens, l’atomisme logique du positivisme ne peut plus prévaloir comme épistémologie universelle, tant sa conception du monde, sous couvert de scientificité, revêt un caractère réactionnaire voire archaïque qui fixe, fige, divise l’unité du vrai et du monde. Il est le contenu et le déploiement théorique d’une classe qui a cessé d’être révolutionnaire pour devenir celle des exploiteurs. Celle-ci évolue sur des bases métaphysiques abstraites en inadéquation avec le réel, issues du néokantisme et de la scission opérée par Kant entre la logique et l’ontologie. Cette science est la science d’une classe qui se refuse à la dynamique dialectique du réel, elle est idéaliste car c’est le seul appui dont elle dispose pour que puisse se maintenir la domination actuelle du Capital.

Néanmoins, l’opposition simpliste et réactionnaire de l’ontologie nietzschéo-heideggerienne, qui ne fait que se poser en s’opposant, ou bien le recours à l’être premier ou primordial évoluant dans des structures indépendantes de toute pensée historique, ne nous conduisent pas non plus à l’émergence d’une révolution possible.

En effet, des situationnistes aux pensées du nouvel âge, il est impossible de passer à côté d’une condamnation de la science positiviste (qui a fait ses preuves : la logique formelle pouvant être incluse à la logique dialectique du point de vue théorique, mais aussi parce qu’elle a permis un progrès historique considérable dans le champs de la connaissance et de la praxis) au nom d’un mysticisme qui viendrait condamner ou déconstruire la raison. Ceux-là flirtent avec les arrière-mondes d’un communisme rêvé aux airs de robinsonades, ou bien avec un retour du paganisme, dont la Nouvelle Droite se fait le fer de lance face à un supposé « grand remplacement ».

Entre autres théories sur l’être primordial et radical du tréfonds des origines, nous retrouvons, là encore, une dynamique métaphysique qui laisse au mieux entrevoir le Capital comme une entité qui nous dépasse et qui avance seule jusqu’à son effondrement. Quid ici des rapports de forces, de classes, et des dynamiques humaines qui font l’histoire ? Aussi, ces groupes, le plus souvent issus de la gauche, ne refusent pas les compromis avec une droite réactionnaire qui se réjouit de les trouver dans ses rangs dans la lutte affichée sur le terrain de l’hégémonie culturelle. On songe ici aux rapprochement idéologique entre de Benoist, Onfray, Cousin ou Guilluy… Faute d’épouser une compréhension du monde comme totalité, ces groupes n’hésitent pas à se poser en s’opposant frontalement à l’épistémologie bourgeoise et se rangeant, de fait, du côté d’une contre-révolution, très à droite de la gauche.

Ces deux forces, a priori opposées sur le plan politique, ont en commun, sur le plan théorique et épistémologique, de succomber à un doute faussement méthodique qui prend la forme d’un relativisme ambiant et qui préfère craindre l’erreur et suspendre son jugement plutôt que de découvrir la vérité (5). Or, c’est la sempiternelle rengaine de notre temps que d’ignorer les causes qui déterminent les actions et une pensée. Chacun arbore fièrement son relativisme, sous couvert de scientificité, en dévoyant toute philosophie pourtant présente et nécessaire dans le développement des sciences.

Depuis Nietzsche au moins - et à contre-sens souvent aussi - l’interprétation a pris le pas sur l’analyse objective. Il ne serait plus possible de proposer un contenu objectif mais seulement des interprétations. De fil en aiguille, toutes les interprétations se vaudraient, comme des opinions quelconques. Plus encore en matière de politique et de vie sociale. Or, rien n’est plus faux et croire que la politique n’est qu’une affaire de point de vue c’est se refuser à transformer le monde.
Pour approfondir la critique du relativisme, référez-vous à cet épisode de Marx-FM.
Découvrir

Dès lors, et en ces temps dangereux dans lesquels « croit aussi ce qui sauve », il nous est plus nécessaire que jamais de refonder une ontologie marxiste qui aborde les problèmes par tous leurs aspects mis en relation ; et cela se décline en dehors du seul terrain économique qui stigmatise le matérialisme dialectique et historique pour n’en faire qu’un simple « économisme ».

Aussi, il nous faut construire une nouvelle mythologie de la raison qui réponde aux impératifs de l’Histoire et de l’universel. Ainsi, nous serons « absolument moderne », dans le refus du monde qui se présente à nous ; non pas au nom d’un passé résolu, mais plutôt d’une utopie nécessaire qui puise sa force dans notre héritage concret, pour la liberté de tous. Nous pourrons alors comprendre la force des vestiges laissés derrière nous pour laisser entrevoir « l’esprit du destin tragique qui rassemble tous ces dieux individuels et ces attributs de la substance dans le Panthéon unique, dans l’esprit conscient de soi en tant qu’esprit. »


Notes

(1) Bien que l’idée des « trois cerveaux » soit désormais remise en cause, l’exemple est pris ici afin de faciliter la compréhension.
(2) Je l’entends ici comme construction d’une “ecclésia” autour d’un mythe fondateur et non comme religion politique, qu’on nomme Catholicisme.
(3) Cf. Dominique Pagani – “Féminité et communauté chez Hegel”, ed. Delga, 2009.
(4) Cf. Première préface de la Science de la logique, Hegel.
(5) Cf. Hegel, Phénoménologie de l’Esprit, la crainte de l’erreur.
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