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Antiracisme

Frantz Fanon, le mouvement décolonial et nous

Avec Fanon, aujourd’hui préempté par les décoloniaux, voilà l’occasion de régénérer sur des bases rationnelles la position des communistes en revenant successivement sur la race, le racisme, la lutte des classes en France et la place des quartiers populaires dans celle-ci.

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Par Gabriel R.

Lecture 35 min

Les incessantes polémiques sur le racisme, l' « islamo-gauchisme », le passé colonial de la France, le « wokisme », le mouvement décolonial, les « territoires perdus de la République » et les violences policières, recouvrent l'espace intellectuel d'une lie épaisse et gluante que la critique matérialiste et dialectique a du mal à perforer. Le nouvel anti-racisme politique que nous allons évoquer ici a déjà été disséqué de nombreuses fois mais toujours sous trois angles qui manquent de rigueur.

Il y a tout d'abord la position de droite, qui oppose à l'antiracisme décolonial une « politique de la civilisation » basée sur le passé chrétien (ou païen) de la France (ou de l'Europe). Cette critique de droite s'oppose généralement à une critique de gauche, dont certains aspects peuvent apparaître de bonne foi, basée sur l'universalisme, l'indivisibilité de la République, la laïcité, qui pèche par un haut niveau d'abstraction quant à la conception de l'universalisme et qui liquide les considérations socio-économiques pour ne voir ici et là que morale et principes juridiques (1).

La critique a priori rationnelle ou matérialiste de phénomènes tel que le racisme est tantôt une critique républicaine couplée d'un peu de question sociale, tantôt une profession de foi de communistes de caserne se contentant de réaffirmer la primauté de la lutte des classes comme pour s'abstenir d’appréhender sérieusement le problème.

Tentons de produire « une analyse concrète de la situation concrète » en prenant cette expression au pied de la lettre, en l'appliquant à la question du racisme, du (post)colonialisme et de l'idéologie décoloniale qui prétendent régler ces problèmes dans le cas français. À travers l'étude conjointe de ces trois objets : le racisme et la race dans la théorie marxiste, le mouvement décolonial aujourd'hui et le racisme en France. Ce qui est ici en jeu, c'est de défricher le terrain idéologique pour permettre au public d'y voir plus clair.

Racisme et lutte des classes

Il n'y a, en soi, pas de théorisation directe par Marx et Engels du racisme en tant que phénomène historique. Pourtant, les longs développements de ces derniers et plus particulièrement de Marx sur la Guerre de sécession (2) permettent de reconstituer une théorie matérialiste de la race, plus tard reprise et approfondie par d'autres penseurs des mouvements de libération nationale post-Seconde Guerre mondiale.

Il est bon, avant toute chose, d'opérer un léger rappel philosophique. Cet article ne sera en définitive qu'une réactualisation de certains concepts qui dans la médiocrité intellectuelle ambiante ont fini par perdre de leur substance.

La lutte des classes, telle que théorisée par Marx, Engels et leurs continuateurs, n'est en rien une pure analyse économique. La lutte des classes, rappelons-le comme un mantra (il est parfois plus salutaire de réaffirmer le connu que conceptualiser du neuf alors que les vues philosophiques de nos contemporains baignent dans le relativisme), est un phénomène objectif basé sur l’opposition entre le propriétaire des moyens de productions (la bourgeoisie) et ceux qui n'ont que leurs bras (le prolétariat), contraints de vendre leur force de travail de laquelle le capitaliste extrait un sur-travail afin de générer une plus-value qui rémunère le capital. Il n'y a en dernière analyse, dans la réalité sociale, que deux ensembles historiques irrémédiablement opposés : ceux qui consomment plus qu'il ne produisent et ceux qui produisent plus qu'ils ne consomment.

Cette grossière segmentation, qui mérite d'être nuancée par de multiples couches et classes venant s'intercaler entre la prolétariat et la bourgeoisie, permet néanmoins de dégager un schéma, brossé à grand traits, circonscrivant objectivement ceux sur qui le mode de production perpétue son existence en absorbant la plus-value et ceux qui vivent du travail des autres. Cette opposition, qui forme une lutte, n'est donc pas une simple variable d'ajustement, un facteur sociologique périphérique quelconque, que l'on pourrait priver de dignité ontologique ; c'est le rapport social déterminant du mode production capitaliste. Ce n'est pas simplement une sphère autonome qui pourrait être traitée à « côté » mais bien la « matrice qui engendre la totalité des rapports sociaux » (3). Le mode de production n'est à ce titre pas une simple structure ou système économique mais une totalité qui renferme en son sein les contradictions nécessaires à son dépassement.

Affirmer que la classe « n'a pas a priori le primat dans l'analyse des rapports de pouvoirs » (4) comme le suggère la docteure en sociologie Sarah Mazouz, c'est refuser de considérer le capitalisme comme un mode de production objectivable dont la condition sine qua non de reproduction est avant tout l'extraction du sur-travail et donc la subalternisation des classes inférieures comme fait social structurant, auquel s'arriment d'autres processus d'infériorisation, dont le racisme. Ainsi, la lutte des classes ne se présente pas comme une simple lutte économique qui opposerait les patrons aux ouvriers pour des salaires plus hauts ou de meilleures conditions de travail, même si l'exemple ici cité en est la forme la plus directe et la plus chimiquement pure.

C'est, en définitive, une lutte qui se déploie à travers l'histoire humaine et qui en son sein charrie les différents antagonismes sociaux qui ne sont pas des « dommages collatéraux » de la lutte des classes, mais qui y prennent racine, qui s'insèrent en elle comme autant de combats à mener pour la reconnaissance (5). Par exemple, le capitalisme, en s'exportant par le fer et le sang au cours du processus d'accumulation primitive débuté au XVIe siècle, à travers le phénomène colonial, a exporté en des contrées lointaines, éloignées des centres, les rapports de classes, pour mettre sur pied une exploitation élargie des terres conquises et des forces de travail qui s'y trouvaient.

De fait, le processus de libération nationale, ou de décolonisation, se présente dans le vécu des combattants et dans la mémoire comme une lutte de pays à pays, alors que se faisant, la recomposition d'une nation colonisée se trouve être avant tout une lutte des classes à grande échelle, une guerre de classe où le patriote est un ancien prolétaire au service de la bourgeoisie, bourgeoisie qui est assimilée dans la grande majorité des cas à une population exogène, colonisatrice, et qui impose sa culture par « en haut ».

Il y a un « noyau originel » du trauma social, pour utiliser des termes psychanalytiques. La condition ouvrière ou prolétarienne ne fonctionne donc pas comme une simple oppression engendrant des désavantages économiques : c'est une position objective dans le mode de production, et le mouvement ouvrier n'a jamais exigé d'être reconnu en tant qu'ouvrier misérable mais a revendiqué l'abolition de cet état actuel des choses afin de dissoudre ensemble le prolétariat et la bourgeoisie. On assiste ces dernières années à une réduction, dans le discours, de la lutte des classes à une simple friction salariale entre les employeurs et les travailleurs ; il s'agit certes d'une lutte qui a son importance mais qui d'un point de vue épistémologique se juxtapose à d'autres combats. On retrouve dans cette conception de la lutte des classes une réactivation de celle-ci en tant que lutte économiciste, purement syndicale, presque corporatiste et ouvriériste. En miroir de cette attitude délétère vis-à-vis des luttes du prolétariat, se développent d'autres luttes anti-racistes ou anti-sexistes qui elles aussi acquièrent leurs autonomies dans ce qu'Alain Badiou a magnifiquement nommé le « trade-unionisme de la race » (6).

À cet argument, les anti-racistes décoloniaux répondent qu'il est vrai que la question de classe ne saurait être évacuée et que d'une certaine façon le racisme est la « modalité d'un vécu de classe » mais, qu'étant vécu comme tel par les populations issues de l'immigration, la lutte ne saurait être reléguée à une simple lutte de classes.

On retrouve, dans ce verbiage, le subjectivisme latent des théories post-modernes qui trouvent la vérité non dans l'application d'une démarche rationnelle mais dans les discours et les contraintes apposées sur les « corps » des dominés. Cet empirisme enfantin, qui consiste à prendre pour un principe de lutte historique les expériences des « concernés », nous intime de rappeler les mots d'Étienne Klein qui précisait que la réalité n'est pas la « bureaucratie des apparences » et que la vérité d'un phénomène ne réside par forcément dans l'expérience que nous en faisons. Frantz Fanon soulignait avec justesse que : « ... le problème racial est recouvert par une discrimination économique et, dans une classe sociale déterminée, il est surtout producteur d'anecdotes. Le mulâtre ouvrier est du côté du noir ouvrier contre le noir bourgeois. Les histoires raciales sont une superstructure, le manteau d'une sourde émanation idéologique dévêtant une réalité économique. » (7) Le racisme ne se propage pas dans le ciel des idées comme une sorcellerie, il s'enracine dans des rapports sociaux-économiques, il est le moyen pour une bourgeoisie de surexploiter certaines fractions de l'humanité en les faisant sortir de la communauté humaine. « Une des fonctions du racisme est de compenser l'universalisme latent du libéralisme bourgeois » (8) écrit Sartre.

À différents stades de développement du mode de production, le racisme se reconfigure, se justifie différemment. Il peut aller de l'explication biologique à la stigmatisation d'une « certaine forme d'exister » (9). Le processus d’infériorisation et de déshumanisation se déplace ainsi selon les endroits. Un ouvrier anglais du début du XIXe siècle pouvait être qualifié d'« instrument vocal », un irlandais de « nègre blanc » et un blanc sous contrat travaillant dans le sud des États-Unis de « marchandise ». Domenico Losurdo soulevait à juste titre que pour Lothrop Stoddard (1883-1950), théoricien raciste et eugéniste, les socialistes rentraient dans la catégorie des races inférieures, et que pour Goebbels, l'Italie fasciste sur le déclin pourrait faire l'objet d'un réservoir à « négroïdes » pour la Grande Allemagne (10).

Petit à petit, la lutte pour la reconnaissance progressant et la bourgeoisie craignant de voir se nouer des alliances inter-ethniques sous bannière de la classe, la frontière entre « les gens de biens » et les hommes passifs condamnés à rester des objets et non des sujets de l'Histoire, se déplaça pour se fixer, dans le cas des États-Unis, entre noirs et blancs. La distribution de prébendes matérielles et juridiques au prolétariat blanc construisit artificiellement une opposition qui n'est en dernière instance qu'un degré d'exploitation que la bourgeoisie fit passer pour une divergence d’intérêts pouvant se traduire par une lutte (11).

Au fur et à mesure que le capitalisme colonise des continents différents, il réifie les populations s'y trouvant, ce qui injecte en retour dans la superstructure idéologique des métropoles une certaine image du prolétariat colonisé, et en cela une partie de l'analyse des penseurs post-coloniaux est opérante.

Ces débris idéologiques, hérités de la colonisation, continuent de prospérer et se nourrissent des nouveaux rapports de servilité entre le nord et le sud que sont l'impérialisme et le néo-colonialisme. Ainsi, la question économique n'est pas un simple facteur aggravant, c'est la praxis qui précède le processus d'infériorisation et qui vient lui-même, en retour, valider les politiques de spoliation. Il y a dans dans le rapport social raciste et colonial une adéquation parfaite entre l'exploitation et l'idéologie, entre la superstructure et l'infrastructure, qui s'interpénètrent plus intimement encore que dans les métropoles, au point de ne faire quasiment plus qu'un. « Aux colonies l'infrastructure économique est également une superstructure » (12).

La question nationale n'est donc, dans un contexte de décolonisation, qu'un moment de la lutte des classes, et une fois la décolonisation formelle accomplie (sur le plan juridico-politique), voilà que se dégage sous les yeux du colonisé la domination brute, c'est-à-dire l'appropriation des moyens de production par la bourgeoisie nationale, courroie de transmission de la domination néo-coloniale, caste bureaucratico-militaire qui maintient sa position sans hégémonie et dans la corruption la plus totale. Le guérillero disparaît à l'instant où l'accord d'indépendance est accordé, le voilà citoyen d'un pays nouvellement existant, producteur, travailleur, prolétaire en lutte pour la récupération intégrale de son humanité dans le socialisme et le façonnage de l' « Homme total » (13). S'extraire du sous-développement, mettre sur pied une économie nationale collective entièrement tournée vers le bien commun pour fournir au peuple une infrastructure digne de ce nom, est la condition sine qua non de la réalisation de tout un chacun (14). « Fanon souligne dans ses livres la vocation socialiste de l'Afrique, sans réforme agraire et sans nationalisation des entreprises coloniales l'indépendance est un vain mot. » (15)

Le tiers-mondisme défiguré

Nous avons donc vu que la question de la praxis, de la reproduction de l'existence sociale, n'était en rien une variable d’ajustement parmi d'autres mais bien la colonne vertébrale de la problématique. En cela, les « héritiers » de Fanon, que l'on retrouve dans l'antiracisme décolonial, ont vidangé Fanon de sa filiation hégélienne, matérialiste et communisante (16) pour en faire un énième penseur des discours, des représentations, des corps et du langage, après l'avoir trempé dans l'acide althusséro-foucaldien. Après Marx déconnecté de Hegel, et Gramsci déconnecté de Marx, c'est Fanon qu'il convient de réinscrire dans une filiation matérialiste dialectique et humaniste radicale.

Comme l'étaient la totalité des tiers-mondistes et penseurs extra-européens de la question sociale des années 1960, Fanon, tout comme Hô Chî Minh et Césaire, ne se positionne pas en réaction à la modernité capitaliste mais en dépassement de celle-ci dans la formation d'une autre organisation sociale, qui trouve ses racines dans l'exportation à l’intérieur du sud global des contradictions inhérentes aux sociétés de classes. La position tiers-mondiste est une expropriation de l'Europe de ses propres mantras universalistes, qui furent théorisés au moment même où le feu et le fer exterminaient des peuples aux quatre coins du monde. Mais voilà qu'en croissant, la bourgeoisie jetait déjà les bases de sa propre négation et ce dès le début de l'entreprise coloniale (17), lorsque les humanistes, en reconnaissant l'Humanité commune qu'il y avait entre eux et les colonisés, frappaient — quoique de façon embryonnaire — d'anathème le mécanisme d'asservissement à grande échelle qui caractérisa la modernité capitaliste et l'expansion de l'Occident libéral. C'est donc avec beaucoup de médiocrité intellectuelle que les nouveaux penseurs de la question raciale font semblant de découvrir ce double mouvement d'asservissement et de production des outils qui rendent possible l'émancipation.

Dans une douceâtre promenade autobiographique et bourgeoise relativement mal écrite, intitulée Le déni blanc, Gauthier Marchais, enseignant-chercheur à l'Univeristé de Sussex, va jusqu'à attribuer cette découverte à un penseur américain contemporain : « Paul Giroy attire notre attention sur un fait très important : la traite transatlantique s'est développée au moment même où les idées d'égalité de liberté et d'humanisme [...] se sont répandues à travers l'Europe » (18). Comment ne pas ricaner ou mettre sur le dos de l'ignorance une assertion aussi ridicule ? Dans les lignes sus-citées, Gauthier Marchais réalise un coup de force intellectuel qui équivaut à faire d'un penseur encore vivant, l'homme ayant découvert qu'il existe une contradiction entre l'idéalisme bourgeois et sa conception de l'Humanité et les bases réelles de sa domination. Voilà une contradiction, une tension, qui fut mise en lumière dès la Révolution française et dont Marx et Engels n'ont pas manqué de disséquer les racines profondes (19). Les exploités ne doivent pas inverser la logique bourgeoise mais la pousser dans ses retranchements. « Les prolétaires prennent la bourgeoisie au mot, l'égalité ne doit pas seulement être établie dans le droit mais également dans le domaine économique et social » (20) souligne Engels. À travers les luttes des peuples colonisés, le processus de décolonisation a, à l'échelle internationale, pris les nations européennes au mot (21) en retournant contre leurs oppresseurs (22) l'universalisme concret de la classe exploitée et l'impératif surdéterminant de pouvoir sur le travail et de désaliénation.

« Tous les éléments d’une solution aux grands problèmes de l’humanité ont, à des moments différents, existé dans la pensée de l’Europe. Mais l’action des hommes européens n’a pas réalisé la mission qui lui revenait. » (23)

De Fanon (cité ci-dessus) à Che Guevara, des développement semblables renversent les écrits de Marx dans les Manuscrits de 1844 et établissent l'impérieuse question de la socialisation de la production : « il [l'homme] commence à se reconnaître dans son œuvre et à comprendre sa grandeur humaine au travers de l'objet crée et du travail réalisé. » (24). La logique révolutionnaire des tiers-mondistes s'inscrit donc dans la droite ligne de la pensée européenne qui, de fait, a perdu son essence européenne, tant le génie des mouvements de libération nationale a permis de l'approfondir, de lui donner une dimension intégralement universaliste en la décentrant et en l'adaptant aux différents contextes.

Abstractions et réaction

La posture d'Houria Bouteldja et des autres décoloniaux français ici visés, tels que Norman Ajari, Françoise Vergès ou encore Maboula Soumahoro, qui se veulent les héritiers politiques des luttes de libération nationale, est, d'un point de vue purement épistémologique, non pas une continuité, mais une régression, voire pire ; on pourrait tabler par certains aspects sur une grossière bifurcation droitière. Ainsi l'ex-membre du Parti des indigènes de la République ne manque pas de rappeler qu'il n'y a pas de critique du colonialisme interne à l'Occident qui ne soit pas précédée d'une révolte des colonisés. Ce qui de fait est faux, mais outre ce rejet épidermique de tout ce qui est européen, voilà que sa posture vis-à-vis de la modernité rejoint par bien des aspects la critique romantique anti-moderne qui consiste à se réfugier dans la famille, la race, la tribu, la communauté subie, la terre et la substance perdue.

L'une des étapes de la lutte anti-raciste prend la forme d'un effacement de l'individu devant ce qui le dépasse : « mon corps ne m'appartient pas » (25), « j'appartiens à ma famille, mon clan, mon quartier, ma race, à l'Algérie, à l'Islam » (26). Les deux identités du mouvement populaire français, celle de classe et celle de la patrie française, sont évacuées sinon dissoutes dans un tribalisme qui transpire la collaboration de classe et l'apologie implicite d'un islam politique comme arme de lutte, étant donné que le « potentiel égalitaire » du cri « Allahou Akbar » se trouve célébré à plusieurs reprises dans ce texte (27) publié quelques mois après les attentats de novembre 2015...

Ci-dessus nous rappelions que les nouveaux anti-racistes ne saisissaient pas le cœur du problème en faisant de la classe un facteur comme un autre, et à présent nous posons, après force lectures de ces théoriciens, que le procédé d'explication qui est le leur est purement et simplement littéraire. En effet, il consiste en un large champ lexical de la réciprocité, une véritable métaphysique de la fusion et de la liaison qui permet de noyer le lecteur sous une avalanche de termes tels que « intrication », « imbrication », « entrelacement » ou « articulation », afin de saturer l'espace idéologique de la pseudo équivalence, sans jamais démontrer philosophiquement et encore moins épistémologiquement la chose. Une fois la classe associée à la race pendant une certaine durée, le théoricien décolonial peut amorcer son deuxième crochet idéologique : noyer dans la race le problème de classe. C'est ainsi que commence la littérature mystificatrice qui se rapproche plus du tract militant grossier et imprécis que de la véritable philosophie politique.

Nous reconnaissons cependant à Houria Bouteldja un indéniable talent stylistique qui ne laissera aucun amateur de lettres indifférent. Un style tranchant et acide, simple et percutant qui nous ramène, 140 pages durant, vers les plus grands pamphlets de Louis-Ferdinand Céline. C'est ainsi que Bouteldja, sur une étagère de livres, trouvera aisément sa place entre les Décombres de Lucien Rebatet et les éructations d'un Léon Bloy.

Cette parenthèse littéraire faite, toute personne formée à l'histoire de la philosophie et à la philosophie de l'histoire grincera des dents en apprenant que la subjectivité cartésienne fonde la « blanchité », le virilisme, la mentalité capitaliste et l'impérialisme. « Je pense donc je suis, je vole, je viole, je pille, je génocide » (28). Sans jamais réinscrire ce processus dans la constitution de la mentalité bourgeoise, la production de l'individu et la sécrétion, en dernière analyse, d'une résolution interne au lot d'horreurs ayant accompagné la modernité, Houria Bouteldja dépeint cette réalité moderne comme un bloc monolithique et apocalyptique duquel il faudrait s'extraire pour le battre en brèche. Ce mouvement d'extraction vis-à-vis de la modernité, ce dualisme, recouvre plusieurs éléments de langage qui relèvent du vocabulaire métaphysique. L'antiracisme est une « rupture épistémologique » mais également un « désensorcellement » (29), un « désenvoûtement » et, pour Françoise Vergès, un « long travail qui fait appel à l’inconscient. La dimension psychique est importante car la décolonisation de soi est cruciale » (30). Il n'y a pas de lutte pour la reconnaissance à l’intérieur de l'Histoire comprise comme totalité dialectique ; il y a séparation de l'Humanité en deux : « Je n'ai jamais pu dire « nous » en vous [les blancs] incluant » (31).

Les perspectives de lutte qu'offrent les décoloniaux dans le contexte français sont extrêmement intéressantes pour, en miroir, mettre en lumière leur vide théorique. Ils se proclament les défenseurs des « personnes racisées », des quartiers populaires, des populations issues de l'immigration. La particularisation de cette lutte est revendiquée : « vive le communautarisme » (32). De plus, Françoise Vergès, dans un développement qui laisse circonspect, explique que la production de la vie bourgeoise, la vie du bourgeois blanc musclé et start-uper, la possibilité de ce corps performant, repose sur « le travail des corps racisés » (33) qui s'épuisent pour que le sien s'épanouisse. Voilà ici une pirouette intellectuelle que nous ne pouvons ignorer. En prenant l'exemple des femmes de ménages — souvent noires ou arabes — nettoyant la salle de sport qui rend possible ce corps en bonne santé, ou encore les locaux, salles de réunions des firmes capitalistes, Françoise Vergès tente de démontrer que la bourgeoisie tire sa richesse précisément des « corps genrés » et « racisés » comme si l'accès de bourgeois blancs aux services et infrastructures ne dépendait pas aussi de l'exploitation de prolétaires blancs tels que les agriculteurs produisant la nourriture, des ouvriers goudronnant les routes et autres techniciens électrifiant le territoire ou entretenant le réseau Wi-Fi (pour ne prendre que ces exemples). Le prolétariat est donc volontairement divisé en une mosaïque où chacun trouve une place plus ou moins confortable.

Dans ce petit opuscule d'une centaine de pages, Françoise Vergès tricote un chapelet de citations et prétend nous apprendre à travers ce patchwork indigeste que la guerre produit du viol, que les violences sexuelles frappent les personnes les plus précaires, et que l'impérialisme répand la mort et la torture. Bref, « la violence ça fait mal aux gentils et les méchants sont vilains », voilà en substance le propos de cet ouvrage qui se veut théorique. Le rapport social est liquidé et l'exploitation disparaît sous l'incessante scolastique foucaldienne des « rapports de pouvoir », de la « contrainte », et de la « régulation » des corps soumis aux « biopouvoirs », un bavardage qui, dans son abstraction, nous fait régresser dans la compréhension de la réalité, bien en deçà des controverses théologiques du Moyen-Âge central (34).

Il est ainsi tentant de penser que le post-moderne, ayant de concert fait litière de la démarche logico-rationnelle en plus d'avoir surinvesti le champ du discours comme unique terrain de la critique, ne parvient plus à penser ses propres outils conceptuels. Le vase clos de l'espace discursif étant irrémédiablement décroché de la praxis en tant qu'activité sociale concrète, les théoriciens décoloniaux ont perdu pied avec le vocabulaire qu'ils utilisent.

C'est ainsi qu'Houria Bouteldja réaffirme que « l'extrême droite n'a de cesse de naturaliser les rapports sociaux » alors que pour « nous » [les décoloniaux] « tout est production sociale et historique » (35), de même que Wissam Xelka affirme que le racisme tel qu'ils le conçoivent n'est pas une simple question d'opinion mais un phénomène que l'on appréhende de façon « matérialiste et dialectique » (36) ! Ont-ils seulement idée de la portée de certains mots, tels que « production » et « dialectique », qui rendent possible une politique radicale - du latin "radicalis" : qui se rattache à la racine - qui cherche les causes profondes et premières, celles à partir desquelles les autres rapports sociaux peuvent s’agréger ? Postuler un « pacte racial » ou un « système de domination raciale » (37) ou encore une « maison blanche » qui confère des avantages matériels sans saisir que la dimension raciale est comprise à l’intérieur du mode de production, que c'est une variable d'ajustement qui rétracte ses frontières ou les étend selon les époques, ne permet en rien d'émanciper ceux qui vivent le racisme.

Que faire ?

Le rôle du militant de l'émancipation c'est de penser l'unité, la raison profonde, afin de faire accéder les masses à une meilleure compréhension de la réalité, diffuser dans les couches paupérisées les idées qui permettent de fédérer au maximum en désignant l'ennemi (38) : la bourgeoisie. Désigner le capitalisme néolibéral, et à travers lui ses métastases, dont le racisme, permet de réaliser l'unité des travailleurs. À l'inverse, s'attaquer à la « suprématie blanche » et expliquer après de multiples gesticulations qu'à travers ça, c'est, en fin de compte, le capitalisme qui doit être abattu relève de la malfaisance militante la plus crasse. Et c'est là toute l’ambiguïté des décoloniaux à l'égard du prolétariat blanc à qui Bouteldja prétend pourtant s'adresser (39).

L'interlocuteur d'Houria Bouteldja est le prolo blanc déclassé, abandonné par la gauche, paupérisé par le néolibéralisme, égorgé par le terrorisme, tenté par le fascisme. En dressant ce sombre tableau, elle affirme tendre la main à ceux à qui le « monde blanc » ne peut plus rien donner. Au-delà de cette poignée de main très abstraite qui n'ouvre pas vraiment de perspective, le discours des décoloniaux sur les blancs et la France est très clair.

À l'échelle individuelle, la figure blanche régulièrement revendiquée, dépeinte comme « l'un des plus grands écrivains français », est celle de Jean Genet, qui a su « tuer le blanc en lui pour se réhabiliter en tant qu'humain » (40). Un personnage controversé qui est entré, dans son parcours intellectuel, dans une démarche de liquidation de son identité française et de minimisation de l’œuvre de résistance à l'occupant nazi (il a par ailleurs largement esthétisé l'occupant nazi (41)), qu'il a plus ou moins mis sur le même plan que la République française sous prétexte que celle-ci était une puissance colonisatrice.

La figure du blanc « allié » est donc un écrivain complaisant avec le fascisme ayant travaillé sur lui-même pour s'extirper de la domination blanche. Dans cette vision de l'alliance avec le prolétariat blanc, le processus d'auto-assassinat interne d'un certaine facette de son moi social n'est pas l'unique voie d'accès à un débouché concret pour la situation politique française. En effet, bien que Bouteldja souhaite en finir avec les « grandes idées », le « républicanisme », les « droits de l'Homme », la « laïcité » - qu'elle considère comme un athéisme d'État, n'y voyons là aucun point commun avec les vichystes -, elle réhabilite d'autres grandes idées...

Très rapidement, parce qu'ils ne théorisent quasiment rien, en chassant les « grandes idées » par la porte, d'autres récits reviennent par la fenêtre. C'est ainsi que l'État-nation français est amené à être démantelé et le peuple « dénationalisé ». Cela dit, le mode d'organisation politique à l’intérieur de l'entité qu'est la France peut revêtir la forme des régions qu'elle considère comme des « peuples de France », des « groupes culturels écrasés par plusieurs siècles de jacobinisme forcené et qui résistent. Je pense aux Basques, aux Corses, aux Bretons, aux Alsaciens… » (42). Bien qu'elle rejette le régionalisme de droite, on retrouve le grand récit anti-jacobin : « des convergences avec des nationalistes de gauche sont tout à fait envisageables, bien que je préférerais parler de « nationalismes décoloniaux », tant ils n’ont rien de commun avec la gauche jacobine et coloniale. » (43) Il faut souligner que son décentralisme ne sert pas vraiment un horizontalisme anarchiste ou un municipalisme libertaire de « gauche » mais plutôt une réactivation gauchiste du régionalisme maurrassien (44) ! Elle est ainsi hostile à l'« universalisme abstrait » qui « nie et broie les identités particulières » (45) tandis qu'elle affirme « penser l'ouvrier blanc comme privilégié ou exploiteur des damnés de la terre » est « fondamental pour nous [les indigènes de la république] » (46).

Faisons le bilan, un instant, des perspectives de luttes proposées par les décoloniaux. Les prolétaires blancs doivent, à leur échelle, tuer le blanc en eux, comprendre qu'ils sont privilégiés et exploiteurs des vrais damnés qui eux, souffrent vraiment, pour embrasser la destruction de la France en tant que nation et jeter l'eau du bain colonialiste avec le bébé de la République, de l'universalisme et du mouvement ouvrier. En conclusion, le prolétariat français doit se nier en tant que force historique et réceptacle d'une certaine culture.

La question de la culture, de l'identité ou du moins des processus d’identification, constitue en dernière analyse l'un des points névralgiques de la question post-coloniale et décoloniale. Au bout de la réflexion antiraciste décoloniale française, on observe, au-delà du prêchi-prêcha sur « l'amour révolutionnaire », une visée qui, mutadis mutandis, revient à dire aux travailleurs blancs : « abandonnez ce que vous êtes mais venez avec nous ». Comme si de toute éternité un peuple avait déjà abdiqué en bloc sa propre épaisseur historique pour se recomposer autour d'une culture exogène. Car c'est là que le bât blesse. Si, dans un processus de décolonisation tel que décrit par Fanon (47), la culture de l'exploiteur correspond à la culture du colonialiste et la culture du colonisé à celle de l'exploité, le contexte français ne permet pas un tel raccourci théorico-stratégique. Ici, la culture nationale n'est pas uniquement le fruit d'une pratique de classe, la culture du peuple français ne provient pas d'ailleurs. Elle est une longue sédimentation historique et sociale qui a digéré des influences multiples en les restituant perpétuellement dans une nouvelle authenticité. La Nation et l'État ne correspondent pas à de simples abstractions, ce sont également des productions politiques dans lesquelles la lutte du peuple a joué un rôle éminemment important. Décoloniser la France, la dénationaliser, faire l'éloge du blanc s'étant vaincu en tant que blanc, considérer le prolo blanc comme un privilégié et un exploiteur, battre en brèche le pays quitte à faire appel aux régionalismes locaux, rompre avec le républicanisme (en mettant dans le même panier Thorez, Sarkozy, Castex, Jaurès, Robespierre, Macron, Ferry, Mélenchon et Manuel Valls) le tout enrobé d'un verbiage islamisant : voilà donc un projet politique qui veut, si nous restons sérieux quelques instants, faire expressément éclater la communauté nationale !

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Saisissons le problème à sa source en cernant les rouages économiques de la question raciale en France. Il est indéniable, après lecture des auteurs ayant pensé le rapport social colonisé/colonisateur, que l'immigration de masse de populations provenant de notre ancien empire colonial a importé à l'intérieur de la métropole des rapports d'exploitation qui se teintent du racisme hérité de l'ère coloniale. En comparant les écrits de Fanon sur la question du voile (48) islamique et les développements très récents (49) sur la portée idéologique du terme « beurette », l'analyse post-coloniale de certains rapports intersubjectifs (50) relatifs à la sexualité entre les populations blanches et noires ou arabes se révèle opérante.

Au-delà de ces considérations qui mériteraient à elles seules des articles entiers, l'analyse de classe des populations noires et arabes demeure incontournable pour braquer la lumière sur l'abcès. Ces descendants d’immigrés africains et nord-africains se concentrent pour une large part dans les cités que l'on appelle pudiquement « quartiers populaires » mais que les rappeurs n'ont pas manqué de renommer « ghetto », où règnent la violence, les trafics, les contrôles de police et la régulation répressive de l'appareil d'État, qui peine à y faire respecter la loi. De fait, la question du banditisme, de la drogue, des individus marginalisés, n'est pas un angle mort de l'analyse matérialiste, c'est à quelques différences près ce que Marx nomme le lumpenprolétariat , le prolétariat en haillon, la « masse dissolue ballottée et flottante » (51) qui rassemble les « pickpockets » (52) les « mendiants » (53), les « tenanciers de bordel » (54) etc.

Si nous réalisons une actualisation des mots de Marx, voilà que ce prolétariat en haillon, qui correspond à tout ce que les grandes métropoles sécrètent d'individus en survie plus ou moins intégrés à des économies parallèles basées sur l'extorsion et le trafic, réside aujourd'hui dans les cités de France qui détiennent de larges réseaux de cannabis et autres stupéfiants, qui irriguent en profondeur ces quartiers, fournissant aux familles un surplus non négligeable. Les transformations du capitalisme, les flux migratoires d'une quantité inédite, l'hyper-concentration urbaine, a généré dans les pays capitalistes avancés une nouvelle question lumpenprolétarienne qui ne se réduit plus à quelques garçons des rues comme Gavroche et autres rémouleurs ! Cette image d’Épinal du lumpenprolétariat a cédé là place à une véritable économie capitaliste ultra-libérale, souterraine, qui évolue en dehors des cadres de la loi. Aujourd'hui, la condition géographique de ces fractions du peuple, cumulée à la lumpenprolétarisation des habitants, fournit la matrice, le terreau, de multiples problèmes sociaux dont celui de l'islam politique.

Le problème est avant tout social, le facteur géographique n'est que la spatialisation du procès de production. Youcef Brakni, porte-parole du comité pour Adama, faisait remarquer, à juste titre, que les discriminations envers les musulmans ne dépendaient pas de la classe sociale (55). En effet, une femme voilée de la classe moyenne peut faire l'objet d'une méfiance. Pourtant, si effectivement l'islamophobie touche même les classes moyennes situées hors de ce contexte géographico-social, l’imaginaire qui nourri la méfiance à l'égard des musulmans prend racine dans le cœur des quartiers de France où la violence se perpétue. Le racisme anti-arabe et la négrophobie se nourrissent de la question sociale en banlieue comme un vampire du sang de sa victime. D'ailleurs, il apparaît que les contrôles de police se basent autant, si ce n'est plus, sur le style vestimentaire (sacoche, survêtement) que sur la race, ce qui démontre que l'ethnie s'arrime à une certaine place de dans le procès de production. Le rappeur d'extrême droite Kroc Blanc livre une analyse raciste très profonde du rappeur blanc situé à Aubervillers dénommé Remy : « Pour moi c'est un arabe, il est intégré à l'envers. Il doit bouffer que des kebab dans sa cité à fumer des joints toute la journée, c'est pas ce que j'appelle un blanc fier » (56). Il prouve par là que la figure du noir et de l'arabe musulman, de l' « islamo-racaille » comme les fascistes la désignent, n'est que l'émanation idéologique d'un noyau social dur qu'est la question sociale en banlieue.

Les autres prolétaires ou petit propriétaires vivant dans ces quartiers aux côtés du lumpenprolétariat pâtissent de ce phénomène social et en sont irradiés, même s'ils ne s'adonnent pas directement aux économies parallèles.

Le racisme n'est donc pas une oppression fluide mais une structure qui s'encastre dans la lutte des classes. La réponse apportée par le mouvement décolonial pose ainsi pour nous deux problèmes majeurs que nous avons successivement traité. Incompréhension du mode de production comme totalité et rejet systématique sinon dangereux de tous les processus d'identification du peuple de France en lutte ; réinventant la roue, certains prétendant voir dans le républicanisme français un juridisme abstrait niant les différences. Nous ne reviendrons pas sur ces assertions qui furent dépassées dès 1843 lorsque Marx rédigea sa Question Juive, où il posa les limites des Droits de l'Homme en soulignant que cela était un progrès même s'ils ne sont que des droits de l'homme « égoïste » (57).

Au stérile débat entre universalisme abstrait et décolonialité, les communistes opposent un universalisme concret qui s'incarne dans la figure du travailleur, qui, en s'émancipant, émancipe toute la société. Le prolétaire est une figure universelle en cela que partout sur Terre les exploités ont en commun une partie de leur destin, mais dans le même temps le prolétaire n'est nullement l'individu abstrait du Droit bourgeois. C'est une être concret, qui existe réellement, dont nous pouvons scientifiquement rendre compte, qui produit la valeur et qui chaque jour apporte sa contribution dans le fonctionnement de la société. Alors laissons, pour conclure, la parole à Aimé Césaire ; des mots qui résonnent dans le cœur de tous ceux qui sont traversés par cet air de liberté, des mots du Discours sur le colonialisme qu'aucun décolonial ne citera jamais car profondément contraires à leur logiciel. Les voici :

« Le salut de l'Europe n'est pas l'affaire d'une révolution dans les méthodes ; que c'est l'affaire de la Révolution : celle qui, à l'étroite tyrannie d'une bourgeoisie déshumanisée, substituera, en attendant la société sans classe, la prépondérance de la seule classe qui ait encore mission universelle, car dans sa chair elle souffre de tous les maux de l'Histoire, de tous les maux universels : le prolétariat. » (58)


Notes :

(1) La gauche républicaine ici visée n'est en rien un bloc monolithique ; il serait malhonnête de mettre dans le même sac les héritiers de Jules Ferry incarnés par l'aile droite du Printemps républicain, qui adoptent des positions sionistes et colonialistes en plus de défendre ardemment le libéralisme économique, des républicains d'esprit « jaurésiens » situés dans les milieux souverainistes de gauche.
(2) Kevin B. Anderson, "Marx aux antipodes", Paris, Syllepse, 2015, 414 pages
(3) Slavoj Zizek, "La Révolution aux portes", Le Temps des Cerises, page 357
(4) Sarah Mazouz, "Race", Anamosa, page 77
(5)Domenico Losurdo, "La lutte des classes", Delga" 407 pages
(6) « Guerre des races ou guerre des classes », QG TV, 5 mai 2021
(7) Frantz Fanon, "Pour la Révolution africaine", Paris, La Découverte, 2011, page 27-28. (1955)
(8) Jean-Paul Sartre, « Le colonialisme est un système », in Situation V , Paris, Gallimard, 1964 page 44
(9) Frantz Fanon, "Pour la Révolution africaine", Paris, La Découverte, 2011, page 40
(10) Domenico Losurdo, "La lutte des classes", Delga, page 191 et 323
(11) Domenico Losurdo, "Contre-histoire du libéralisme", Paris, La Découverte, 2014
(12) Frantz Fanon, "Les damnés de la terre", Paris, 2002, La découverte, page 43.
(13) op. cit. , page 190
(14) ibid
(15) Jean-Paul Sartre, « La pensée politique de Patrice Lumumba » in Situation V, Paris, Gallimard, 1964, page 194
(16) Le dernier chapitre des "Écrits sur l'aliénation" et la liberté publiés en 2015 (La Découverte) recense les quelque 400 ouvrages de la bibliothèque personnelle de Fanon. Nous y trouvons du Hegel, du Kojève du Marx, Engels, Sartre, Lefebvre et Lukacs... page 717-783
(17) Montaigne, "Essais", « Des Cannibales » Livre de poche, 353-37
(18) Gauthier Marchais, Le Déni blanc, Paris, L'Aube, 2021, page 49
(19) Engels, "Antidühring", Milan, Science Marxiste, page 136
(20) op. cit, page 137
(21) « les colonialistes français abusant du drapeau de la liberté, de l'égalité et de la fraternité ont violé nos terres et opprimés nos compatriotes » , Ho Chi Minh, "Textes 1914-1969", l'Harmattan, page 112-11
(22) Slavoj Zizek, "Après la tragédie, la farce", Champs, Paris, 2009, page 188
(23) Frantz Fanon, "Les damnés de la terre", Paris, 2002, La découverte, page 303
(24) Ernesto Che Guevara, "Le socialisme et l'homme", Paris, Maspero, page 97
(25) Houria Bouteldja, "Les blancs, les juifs et nous", Paris, La fabrique, 2016, page 71
(26) op. cit page 72
(27) op. cit page 140
(28) op. cit page 30
(29) « Le mouvement décolonial en débat » , RT France, 24 juin 2019
(30) Françoise Vergès : « Les droits des femmes sont devenus une arme idéologique néolibérale » , Le Monde, 17 février 2019
(31) op. cit page 30
(32) « Les femmes non-blanches sont-elles les nouvelles sorcières ? » , Paroles d'Honneur, 14 avril 2021
(33) Françoise Vergès, "Une théorie féministe de la violence", Paris, La fabrique, 2021, page 16-17
(34) Dans un développement qui frise le voyeurisme, Vergès n'hésite pas à nous décrire jusque dans les plus infâmes détails les supplices sexuels d'un prisonnier de Guantánamo sans que cela n'apporte quoique ce soit à son propos. op.cit pages 30 à 32
(35) Live Twitch du 26 avril 2021, Paroles d'Honneur
(36) « Parlons VRAIMENT du racisme antiblanc ! », Paroles d'Honneur, 12 avril 2021
(37) Gauthier Marchais, "Le déni blanc", Paris, L'Aube, 2021, page 6
(38) Carl Schmitt, "La notion de politique", Champs, 1992, page 57-95
(39) Houria Bouteldja, "Les blancs, les juifs et nous", Paris, La fabrique, 2016, page 42-43
(40) Houria Bouteldja, « Vers l'amour révolutionnaire », Hors-série, 9 avril 2016
(41) Jean Genet, "Pompes funèbres", Paris, Gallimard, 1978, 306 pages
(42) Houria Bouteldja, « Pour un internationalisme domestique », Bretagne-Info, 4 avril 2016
(43) ibid
(44) Charles Maurras, L'avenir de l'intelligence et autres textes, Paris, Robert Laffont, 2018
(45) Houria Bouteldja entretien avec Laurent James, Élément n°187, janvier 2021, page 78-79
(46) ibid
(47) Frantz Fanon, "Sociologie d'une révolution", Maspero, 1959, 174 pages
(48) op cit. Page 16 à 47
(49) Sarah Diffalah, Salima Tenfiche, Beurettes : un fantasme français, Paris, Seuil, 2021, 320 pages
(50) Frantz Fanon, "Peau noire, masques blancs", Paris, Seuil, 1952, page 39 à 80
(51) Karl Marx, "Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte", Garnier Flammarion, page 129
(52) ibid
(53) ibid
(54) ibid
(55) « Guerre des races ou guerre des classes » , QG TV, 5 mai 2021
(56) « Kroc Blanc : entretien avec un rappeur d'extrême droite » , Alohanews, août 2020
(57) Karl Marx, "La question juive", 10/18, page 39-40
(58) Aimé Césaire, "Discours sur le colonialisme", Paris, Présence Africaine, 1955, page 74
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