Bobos en auto, prolos à vélo
Les attaques omniprésentes contre la mobilité et les transports – notamment contre le train et la voiture – aggravent la ségrégation spatiale et sociale sur le territoire et participent à la lente désintégration de l'unité nationale de la France.
Les moyens de transport, lorsqu’ils sont suffisamment développés et accessibles, contribuent à l’unité du territoire et de la nation. En effet, en autorisant les individus à se mêler les uns aux autres, à se rencontrer, à se déplacer, ils leur permettent de s’intégrer, c’est-à-dire de prendre place dans la société.
Or, on assiste depuis de nombreuses années à des attaques constantes dans ce domaine, attaques qui aboutissent à des formes toujours plus graves de ségrégation spatiale, c’est-à-dire la séparation, sur un même territoire, d’une population selon des critères d’appartenance de classe sociale, de revenus .
Sandrine Rousseau, ancienne candidate à la primaire écologiste, a par exemple affirmé lors de sa campagne que, si elle était élue Présidente de la République, elle augmenterait le prix du litre d’essence afin que celui-ci atteigne progressivement la barre des 2 euros d’ici la fin de son quinquennat (1).
Cette proposition montre bien que les politiciens bourgeois des centre-villes sont complètement hors-sol, en totale déconnexion avec le réel. Ont-ils jamais mis les pieds au-delà du périphérique ?
Il faudrait, nous dit Mme Rousseau, réduire nos trajets, moins prendre sa voiture, préférer les transports en commun ou son vélo. Facile à dire quand on habite au sein d’une grande métropole et qu’on a à sa disposition, souvent dans la rue même où l’on vit, tous les commerces nécessaires, ainsi que des métros et des bus à foison pour se rendre sur son lieu de travail.
Il en va tout autrement lorsque, dans les campagnes, dans les banlieues, pour aller travailler ou aller faire ses courses, on est obligé de prendre sa voiture et de faire chaque jour des kilomètres et des kilomètres, faute de commerces et d’entreprises alentour et de transports publics suffisamment développés.
Alors, augmenter le prix du litre d’essence ? On voit bien qu’une telle mesure – présentée par les soi-disant « écolos » comme profitable au plus grand nombre car permettant la « préservation de la planète » – entérinerait et aggraverait en fait une ségrégation spatiale et des disparités sociales déjà abondamment présentes sur l’ensemble du territoire. Il y aurait, pour résumer, les gentils bobos écolos bien au chaud dans leurs centre-villes, et les méchants prolos pollueurs encore plus en souffrance dans leurs campagnes.
Autre exemple, celui des Ouigo roses, une nouvelle gamme de trains à « prix très bas et fixes, jusqu’au dernier moment » que la SNCF compte lancer au printemps 2022. Des trains qui, cependant, iront bien moins vite et desserviront moins de destinations que les TGV et Ouigo classiques.
Concrètement, que risque-t-il de se passer ? Les plus aisés financièrement utiliseront les TGV ou les Ouigo classiques, et auront ainsi la possibilité d’avoir plus de choix de destinations et de s’y rendre plus rapidement, tandis que les plus modestes devront se contenter d’utiliser les Ouigo roses et seront cantonnés à seulement quelques villes, au prix de voyages plus longs et plus pénibles. La mobilité pour les plus riches, donc, la « démobilité » pour « ceux qui ne sont rien ». Une société à deux vitesses, littéralement.
Les attaques contre les moyens de transport participent donc d’une atomisation toujours plus grande de la population, séparant celle-ci selon des critères d’appartenance de classe et niant la possibilité pour chacun d’être traité de manière égalitaire, et pour la France de faire peuple.