Réforme des retraites : un gouvernement contre son peuple
Mardi 10 janvier, Elisabeth Borne a présenté un projet de réforme des retraites qui vise à prolonger l'exploitation des travailleurs français. Une mesure qui suscite pourtant une opposition générale dans le pays.
La nouvelle réforme des retraites était attendue depuis la campagne présidentielle de Macron et même depuis l’échec de la première réforme en mars 2020. Les médias bourgeois nous avaient fait vivre un véritable suspens : l’âge légal serait-il allongé jusqu’à 64 ou 65 ans ? Avec ou sans augmentation de la durée de cotisation ? Elisabeth Borne a heureusement mis fin à toutes ces incertitudes mardi 10 janvier en présentant le projet final. L’âge légal de départ à la retraite sera finalement reporté à 64 ans à l’horizon 2030 ; d’ici là, il augmentera d’un trimestre chaque année. La réforme Touraine prévoyant l’allongement de la durée de cotisation à 43 annuités à l’horizon 2035 sera accélérée pour que les 43 annuités soient atteintes en 2027. Le gouvernement espère ainsi réaliser 18 à 19 milliards d’économie. Le tout est accompagné de mesurettes insignifiantes sur la pénibilité ou les carrières longues qui pourront être brandies comme l’étendard du progrès social par les propagandistes à la solde de Macron. Rien ne fera cependant oublier le point essentiel de cette réforme : la poursuite de la destruction des acquis du Conseil National de la Résistance et du modèle social français au profit du capital.
Comme le relève Stéphane Robert dans le journal de France Culture du 11 janvier, il ne faut pas attendre grand chose du passage de la réforme au parlement. En effet, le gouvernement dispose d’une majorité pour l’y faire adopter après le ralliement des Républicains. Il y a un mois, Olivier Marleix, président du groupe LR à l’Assemblée nationale, était vent debout contre le report de l’âge légal et annonçait au micro de Serge Faubert que son groupe déposerait une motion de censure si le gouvernement faisait passer sa réforme par 49-3. De l’eau a visiblement coulé sous les ponts car, désormais, Eric Ciotti, qui s’est fait élire à la tête de son parti en promettant qu’il serait plus opposé à Macron que tous ses opposants, a annoncé dans le Journal du dimanche du 8 janvier que son parti voterait la réforme. Au moins, on peut reconnaître aux Républicains le mérite de la constance puisqu’ils ne cesseront apparemment jamais de trahir les intérêts des Français et d’être les chiens du gouvernement en affichant une opposition de façade. Mais le gouvernement a d’autres stratagèmes en réserve pour imposer sa réforme inique et museler le débat démocratique. Le projet sera ainsi présenté au parlement comme un « projet de loi de finances rectificative de la sécurité sociale », outil hautement technocratique et rarement employé, ce qui permettra de limiter le temps de discussion du texte à 20 jours, empêchant donc l’obstruction envisagée par le PCF et LFI, et d’utiliser le 49-3 en cas de nécessité. L’avenir institutionnel du projet gouvernemental semble donc tout tracé.
C’est donc sur le mouvement social qu’il faut compter et on peut espérer que la mobilisation sera de grande ampleur. Toutes les organisations syndicales de salariés s’opposent sans exception au report de l’âge de départ à la retraite. Philippe Martinez, chef de file de la CGT, a dénoncé une mesure d’âge « inacceptable » mercredi 11 janvier sur BFMTV et a déclaré : « si les salariés le décident, c’est la France à l’arrêt ». Il appelle en outre à des grèves reconductibles dans les secteurs où cela est possible. Même la CFDT, syndicat « réformiste » d’ordinaire si respectable, étonne tous les médias bourgeois en maintenant jusqu’à présent une opposition ferme à la réforme. Mercredi 11 janvier sur France Inter, Laurent Berger a de nouveau appelé les salariés à « se réunir massivement dans la rue » le 19 janvier. Le 19 janvier sera donc le point de départ d’une lutte que l’on souhaite massive et acharnée contre la nouvelle offensive du capital. Vu la faiblesse des organisations syndicales, il faudra cependant que la mobilisation ne se limite pas aux syndicats et soit soutenue dans l’opinion pour que le mouvement social puisse faire plier la bourgeoisie.
Le 10 janvier, la Première ministre a fait preuve d’une indécence sans borne en louant la « justice » et le « progrès social » dont sa réforme serait porteuse. Plus largement, Macron et ses affidés ne cessent de marteler que l’objectif de cette réforme est de « sauver le système par répartition ». En réalité, comme le soulignait déjà Bernard Friot lors de la précédente réforme des retraites, l’objectif est de promouvoir la répartition capitaliste au détriment de la répartition communiste. Le gouvernement, comme tous les libéraux, veut faire passer la retraite pour une aide qui serait accordée à d’anciens travailleurs désormais improductifs qui représentent un fardeau pour la société. A contrario, il faut revendiquer la retraite comme un salaire continué. Les retraités ne sont pas des anciens travailleurs mais bien des travailleurs qui réalisent toujours un grand nombre de tâches indispensables à la vie en société, comme la garde des enfants (pour ne prendre que cet exemple), et qui ont droit d’être rémunérés au même titre que les autres travailleurs, même s’ils ne mettent plus en valeur du capital.
Il est certain qu’un tel système par répartition coûte cher et doit être à l’équilibre, mais aujourd’hui cela se fait sur le dos des travailleurs, tandis que le capital qui se gave ne déboursera pas un centime supplémentaire pour financer les retraites des travailleurs français. La France produirait bien assez de richesses pour offrir une retraite décente à tout le monde dès 62 ans et même bien plus tôt si la majeure partie de la richesse produite n’était pas extorquée aux travailleurs par l’oligarchie. Face à cette réforme qui va une nouvelle fois saigner les travailleurs pour sauvegarder le taux de profit des capitalistes, il nous faut revendiquer la souveraineté des producteurs sur leur travail et le droit au salaire à la qualification, qu’il mette en valeur du capital ou non.