Résumé S’il y a bien eu et s’il y a, encore aujourd’hui, un capitalisme de la séduction, il faut produire un communisme du sublime.
Parce qu’il faut comprendre que tout « je » est d’abord un commun. Celui qui dit « je » est le résultat d’une langue, d’une culture, d’un héritage et des pré-jugés (littéralement) qui l’accompagnent.
L’enjeu est alors de révéler à soi ce commun qui me et nous constitue, au lieu d’être dans la simple illusion d’un « je », purement subjectif et individuel.
Ce « je » communiste dans une nécessité sociale et vitale, plus que dans une affinité idéologique, est réminiscence de ce qui me fait être en tant que singularité.
Thème Le matérialisme dialectique et historique (MDH) – épistémologie et objectivité en sciences humaines et sociales – critique du positivisme et du cognitivisme.
Thèse Le MDH est l’outil pour saisir le mouvement réel, mais aussi le reflet d’une compréhension du sujet comme trans-individuel, pouvant aboutir au renversement du capitalisme par la prise de conscience d’une classe révolutionnaire.
Questions concrètes • Comment établir une objectivité en sciences humaines et sociales ? • Quels sont les obstacles à l’unification des sciences humaines et sociales ? • Quelles sont les limites du positivisme ? • Qu’est-ce que le matérialisme dialectique et historique ? • En quoi est-ce un enjeu de se le réapproprier ?
Résumé détaillé La période de parution de l’ouvrage est caractérisée par une crise globale provoquant un ressurgissement du marxisme, mais dénaturé. Avec ce livre qui s’inscrit dans la continuité de ses travaux, Loïc Chaigneau vient rétablir la méthode de compréhension objective du réel développée par Marx : le matérialisme dialectique et historique (MDH).
Aussi face au subjectivisme irrationaliste et à l’objectivisme scientiste, l’auteur se propose d’esquisser une théorie de l’objectivité en sciences humaines. Le fondement de cette objectivité est le suivant : c’est un processus intersubjectif, un passage d’un sujet individuel - je - à un sujet collectif - nous - qui n’est pas une somme de « je(s) » mais une totalité.
Le problème de la connaissance du monde est immédiatement posé. L’épistémologie héritée de Kant sépare le sujet de la connaissance et le monde (l’objet de la connaissance). Le sujet par son activité peut saisir seulement l’apparence du monde, mais le monde en lui-même reste inconnaissable.
L’avancée que produit Kant est un progrès réel. Cependant ses limites ont permis la récupération de ces idées à des fins réactionnaires. Hegel, constatant cette récupération, a critiqué Kant en montrant que l’erreur fondamentale consiste à prendre le sujet comme point de départ et non comme résultat historique, produit par un sujet trans-individuel.
La connaissance n’est pas entre le monde et le sujet car ils ne sont pas séparables, l’activité du sujet produit ce monde qu’il peut ainsi connaître. Marx ensuite renverse la théorie de Hegel en montrant que ce qui est premier n’est pas l’activité de l’esprit, mais la pratique réelle, dont l’activité de l’esprit est le reflet.
Cette pratique permet d’abstraire des principes du réel, de produire des concepts qu’on doit ensuite vérifier par et dans la pratique. C’est donc bien le « nous » qui est porteur d’objectivité, une objectivité qui le détermine.
Mais ce déterminisme ne doit pas être confondu avec celui des sciences de la nature. Il répond à un couple signe/sens alors que le deuxième répond au couple cause/effet d’une matière naturelle donnée et anhistorique.
Aussi, l’action humaine produit l’histoire qui détermine l’action humaine : l’homme est un produit de l’homme.
Il s’agit d’établir l’unité dans la série évènements/manifestations et la détermination des choses. La vérité objective recherchée est ainsi symétrique à des moments historiques et à l’intersubjectivité (qui est une condition nécessaire mais pas suffisante).
Face à l’idéologie bourgeoise, le MDH se réapproprie le couple signe/sens, ratifie la logique de la production, et peut alors saisir la vérité objective du moment historique pour proposer une théorie révolutionnaire.
Alors que le MDH part de la totalité, une autre approche des sciences humaines s’est constituée sur le modèle des sciences de la nature : le positivisme, et même par la suite le néo-positivisme.
Le positivisme refuse la logique dialectique, qui est dynamique, en lui préférant la logique formelle, qui est fixiste. Il repose sur un atomisme logique, c’est-à-dire une étude des faits en tant que tels, isolés les uns des autres. La seule explication proposée est déductive et causale, alors que la genèse et le dépérissement des faits, leur inscription dans un tout est ignorée.
À partir de cela l’auteur nous montre en quoi cette approche révèle un conservatisme qui sert les intérêts de la classe dominante.
Plus récemment, c’est le courant des sciences cognitives qui prétend avoir atteint la scientificité objective en sciences humaines.
Cependant, la réduction de l’homme à une simple machine cérébrale n’explique en rien les causes des actions, mais plutôt ce qui permet à ces causes de produire des effets. C’est une forme de néo-naturalisme ignorant que l’homme est un animal politique et éliminant toute volonté dans les actions humaines.
Malgré la diversité de ces sciences, leur point commun reste, au contraire du MDH, une étude partielle du réel, et un refus d’inscrire les faits humains dans une totalité en mouvement.
En opposition à ces sciences, le MDH réhabilite une lecture de l’histoire, notre histoire, comme objet produit par les hommes, par nos actions. Cette réhabilitation devient non seulement un enjeu théorique mais également un enjeu pratique.
En effet, le MDH permet de révéler la logique du réel : il n’est pas la superstructure qui n’est que l’apparence des choses, le reflet de l’infrastructure en mouvement.
Ainsi, l’enjeu fondamental où se situe l’antagonisme entre les classes sociales, est la propriété des moyens de production avec face à face celle qui les détient et celle qui en est dépossédé et se fait exploiter par l’autre.
Les classes sociales sont alors définies comme unité d’un sujet collectif acteur de l’histoire. Le prolétariat est l’unité de la classe révolutionnaire du moment historique que nous vivons.
C’est à dire la classe qui, du fait de son positionnement objectif dans le processus de production/consommation, est capable d’amener le progrès historique par la révolution, en abolissant le mode de production capitaliste. Mais pas une révolution entendue comme un grand soir amenant d’abord et nécessairement à une prise de pouvoir politique.
Le MDH nous montre que la révolution est un processus long, un mouvement réel d’abolition de l’état des choses existantes. Ainsi la prise du pouvoir politique est un résultat, l’affirmation du passage de la domination formelle à la domination réelle d’une classe révolutionnaire.
Ainsi, pour poursuivre le mouvement communiste français il est nécessaire de produire une phénoménologie de la conscience de classe et de faire émerger une conscience de classe.
Or, il n’y a pas là de mécanisme car pour qu’une classe en soi devienne une classe pour soi, il faut qu’elle puisse ressaisir ses propres réalisations. Le MDH en tant que restitution de cette pratique de classe se révèle alors nécessaire.
La science historique que propose le MDH apporte une nouvelle téléologie, mais non causale, non mécaniste de l’histoire, sans toutefois prévoir avec exactitude les résultats des luttes ni leur moment d’apparition.
Le MDH est une philosophie de la praxis se constituant comme une théorie de la pratique et comme une pratique de la théorie.
L’objectivité du monde humain réside dans sa production, et notamment la production d’outils qui sont une objectivation d’une accumulation de travail humain, mais aussi ce qui permet de recommencer le processus de travail.
Cette transformation du monde permet un retour à soi du sujet, la production étant un reflet de lui-même. En même temps qu’il transforme le monde, l’homme se transforme lui-même, car la praxis, en plus de faire advenir dans le monde ce qui n’y était pas par nature, produit la psyché.
On voit ici à quel point l’extorsion de la plus-value capitaliste, comme travail non payé, est une séparation du producteur avec le fruit de sa production et une négation même de son statut de producteur.
Parce que les sociétés humaines ne sont pas constituées selon la loi de la nature, la persistance du rapport de forces dans la société capitaliste, la naturalisation des rapports sociaux apparaissent comme une négation du contrat social qui fonde les sociétés humaines.
Mais du fait des contradictions internes du capitalisme, un autre monde est possible, il nous revient de le faire émerger.
Pour cela, une organisation de la classe révolutionnaire est plus que jamais nécessaire.
D’où l’importance d’une avant-garde révolutionnaire se saisissant du MDH, qui est l’expression consciente de phénomènes inconscients, pour produire une théorie révolutionnaire sans laquelle aucune pratique révolutionnaire n’est possible.
Cette pratique révolutionnaire ne saurait d’ailleurs se désintéresser de l’esthétique. Si l’idéologie libérale-libertaire a su conquérir l’hégémonie culturelle avec un capitalisme de la séduction, il revient à la classe révolutionnaire de produire un communisme du sublime.
L’esthétique permet alors de rendre accessible à la conscience les pratiques intersubjectives. Bastien C.
Vidéographie Présentation de ce livre
Usul et l’anticommunisme de gauche
L'objectivité en sciences sociales Partie 1 : définitions, intersubjectivité, dogmatisme