Chips Act : Relocaliser, saboter
Les pays impérialistes en perte de vitesse cherchent à renverser la vapeur en relocalisant et en étouffant la production chinoise.
« L’Europe ne peut pas laisser passer les trains » : la déclaration de la Commission européenne du 8 février 2022 exprime la nécessité pour les pays de l’Union européenne de rattraper leur retard dans l’investissement dans les semi-conducteurs de moins de 2 nm et les technologies plus efficaces énergétiquement (FDSOI).
Le Conseil de l’UE a publié le 1er décembre 2022 une décision d’orientation générale favorable à la proposition faite par la Commission européenne d’édicter un Règlement sur les Semi-Conducteurs ou « Chips Act ».
Cette initiative vise à financer les infrastructures pour tester les processus et industrialiser les processus de production de technologies avancées. La Commission souhaite un investissement à hauteur de 11 milliards d’euros d’ici 2030 via des aides de l’UE et des aides d’État dans le cadre du « Chips Act », et 30 milliards d’aides des États membres dans un nouveau Projet Important d’Intérêt Européen Commun (PIIEC) et dans de très grandes usines, les « Mega Fabs ».
« Il faut savoir produire ». Sur ce point, la Commission a raison. La part actuelle de la production dans le marché mondial des semi-conducteurs est estimée par la Commission à 10% en valeur. Pour l’éditorialiste Peter Clarke, contributeur à l’Oyo-Yoshida Report, cette proportion est proche de zéro dans les technologies les plus avancées. L’ambition de la Commission est d'atteindre les 20% de part de marché et de parvenir à rattraper le terrible retard qui a été pris vis-à-vis de la concurrence extra-européenne en matière d’avancées technologiques.
Le plan de la Commission paraît ambitieux, avec ses gros chiffres et ses grandes paroles. Il compte financer les initiatives non pas tant par le budget de l’UE mais par celui des États membres. En particulier, le Chips Act ne prévoit que peu d’aides européennes pour financer les Méga Fabs. Il applique aux aides fournies par les États membres un régime de dérogation des règles de droit commun sur les aides d’État.
Les aides d’État sont en principe tout simplement prohibées par le paragraphe 1 de l’article 107 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) car « incompatibles avec le marché intérieur ». Malgré cela, la plupart des aides d’État pour soutenir l’économie sont légales, mais doivent passer par une procédure de notification préalable à la Commission, qui examine ensuite sa « compatibilité » selon une procédure plus ou moins lourde.
Sur le plan budgétaire, l’UE n’apporte donc rien si ce n’est lever des obstacles procéduraux aux dépenses engagées par les États dans des projets communs. Sur le plan politique, l’UE est-elle capable de piloter la création d’une véritable industrie de l’électronique européenne ? Certainement pas.
Au Japon, le ministre de l’économie Yasutoshi Nishimura a annoncé le 11 novembre 2022 le lancement d’un nouveau champion national, Rapidus, pour qu’elle soit de taille à affronter les fabricants internationaux de semi-conducteurs. Créer un tel établissement est impossible dans l’UE : le droit de la concurrence l’interdit. Dans le domaine ferroviaire, la fusion d’Alstom et de Siemens avait été refusée au nom de la concurrence libre et non faussée. Encore une fois, l’Union se tire une balle dans le pied.
Le Chips Act européen n’est qu’une pâle copie d’un autre Chips Act, adopté en juillet 2022 par les États-Unis. C’est une enveloppe de 280 milliards de dollars dont 52,7 pour le secteur des semi-conducteurs. Le département du Commerce prévient les éventuels bénéficiaires des subventions que celles-ci devront être employées à l’investissement et non à des rachats d’actions ou autres opérations purement financières. La condition pour toucher ces subventions est de ne pas investir en Chine pendant les 10 prochaines années. Le dispositif consiste aussi à sanctionner les entreprises qui fournissent certains équipements électroniques avancés aux entreprises chinoises. À cause des sanctions, les fabricants chinois ont été obligés de réduire les performances de leurs puces électroniques pour que TSMC, leur fournisseur principal, puisse être en capacité de les produire sans s’aliéner le marché américain. L’entreprise Semiconductor Manufacturing International Corp. (SMIC) a quant à elle refusé de reconnaître avoir réussi à construire une puce de 7 nm afin d’éviter des ennuis avec les États-Unis, selon un rapport de TechInsights. La SMIC est derrière les entreprises taïwanaises et sud-coréennes qui produisent des puces de 3 à 5 nm. Les impérialistes souhaitent conserver leur avance, au moins le temps de préparer un nouveau sale coup.
Contrairement au reste du monde, la Chine fait face à une crise de surproduction de semi-conducteurs. En octobre 2022, les entreprises chinoises ont été contraintes de réduire de 26,7% le nombre d’unités produites par rapport à l’année dernière. La stratégie impérialiste, que l'on pourrait qualifier d'endiguement d'un nouveau genre, consiste à bloquer la conquête de nouveaux marchés par la Chine afin de faire surchauffer son économie.
Pour mener à bien leur stratagème, les Américains comptent sur leurs vassaux régionaux. Ils leur proposent d’adhérer à Chip 4, un accord commercial contenu dans le Chips Act. Les USA proposent de s’allier avec Taïwan, la Corée du Sud et le Japon. C’est un projet d’entente internationale, exposé par l’économiste Park Sang-in à RFI : Taïwan et la Corée du Sud construisent les puces mémoire et les semi-conducteurs, le Japon apporte les matériaux et les USA fournissent les équipements et les infrastructures. Cependant, la Corée du Sud affiche ses réticences. De même, le Japon a peur des retombées de la rivalité entre les USA et la Chine, sachant que les revenus de la firme taïwanaise TSMC, dont les producteurs japonais sont dépendants, risquent d’être affectés par la perte des clients chinois bloqués par les sanctions. La Corée du Sud a exporté en valeur 60% de ses puces mémoire en Chine populaire.
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