Comment définir le fascisme et le reconnaître quand il réapparaît sous de nouvelles formes ?
Il est facile pour certains de disserter longuement sur le fascisme d'antan sans être en capacité de reconnaître le fascisme d'aujourd'hui. Ce n’est donc pas un travail d’historien mais bien de philosophe qui permet de répondre à notre question.

Le concept de fascisme a été médiocrement galvaudé par l'usage abusif qui en a été fait de toutes parts. Chacun y allait de ses préjugés, rares sont ceux capables de le définir. Les uns l'utilisaient comme invective pour discréditer leurs ennemis et les autres réduisaient leur définition au fascisme d'antan (Hitler/Mussolini) tout en restant aveugles à sa résurgence actuelle. Une mise au clair de ce concept est donc décisive pour comprendre la période qui nous concerne.
Le fascisme est la roue de secours du capitalisme, il est son bras armé quand celui-ci entre en crise. Cette définition semble insuffisante par sa brièveté, mais elle n'en demeure pas moins très précise.
Une première erreur trop souvent commise est de réduire le fascisme au qualificatif d'un individu : « untel est fasciste », « c'est un facho », propre à la cancel culture. Or, ce qui compte dans ce concept, ce sont les structures sociales, l'organe de pouvoir et la mise en place par une classe dominante de la poursuite du mode de production capitaliste sous forme autoritaire. Tout cela outrepasse la volonté propre d'un individu que l'on pourrait qualifier de fasciste.
Une seconde erreur est de réduire le fascisme aux formes qu'il a prises dans l'histoire. Autrement dit, si nous définissons le fascisme comme étant une armée marchant au pas de l'oie et faisant des saluts nazis, alors jamais nous ne pourrons reconnaître les nouvelles formes qu'il prend aujourd'hui et nous le laisserons s'installer parce que nous aurons été aveuglés par une description archaïque. Il est facile pour certains de disserter longuement sur le fascisme d'antan sans être en capacité de reconnaître le fascisme d'aujourd'hui.
L'invariant du fascisme est qu'il intervient toujours dans la continuité d'une crise de reproduction du capital et de circulation des marchandises. Il intervient dans un moment d'éclatement des entreprises en concurrence sur le marché mondial et avec une concentration importante des capitaux dans les mains d'une extrême minorité tel que les GAFAM aujourd'hui.
C'est cet éclatement que nous constatons depuis 2 ans. La cause de cette crise n'est pas due au covid, elle provient des défaillances internes du capitalisme. C'est l'analyse qu’a produit Loïc Chaigneau en montrant que le covid était instrumentalisé pour sauver le capitalisme en crise par l'intensification de mesures autoritaires, répressives et de contrôle, caractéristiques du fascisme.
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Lorsque les bourgeois pressentent perdre la docilité des masses en période de crise, lorsque les contestations semblent suffisamment fortes pour renverser l'ordre établi, alors s'enclenche un mécanisme offensif visant à réduire à néant tout ce qui pourrait faire obstacle à la domination de la classe dominante. Elle finance des politiciens dociles prêts à se soumettre à ses intérêts capitalistes, déterminés à utiliser la force, la police, les institutions, pour conserver l'ordre établi.
C'est ainsi par exemple que Hitler a été « l'élu des dieux, de la finance et de l'industrie » comme nous l'enseigne Gilda Landini dans cette conférence.
Pour ce qui concerne notre époque, les méthodes sont les mêmes, les candidats à la présidentielle les plus déterminés à conserver le mode de production capitaliste – avec une poigne de fer s'il le faut – seront ceux qui profiteront d'un soutien financier massif de la part de la bourgeoisie et bénéficieront d'une couverture médiatique incomparable aux autres candidats.
C'est donc toujours la bourgeoisie qui finance et porte au pouvoir un individu ou un groupe d'individus qui serviront leurs intérêts.
Comme l'écrivait Michel Clouscard « le capitalisme conduit à la guerre civile entre les pauvres ». Ce mode de production est à l'origine des inégalités sociales de nos sociétés qui polarise d'un côté une extrême minorité très riche, au milieu une classe moyenne, et de l'autre une classe précaire voire très pauvre. Ajoutons au livre noir du capitalisme que la pauvreté est le terreau de la délinquance, comme nous l'expliquions dans cet article. Comme la classe moyenne est prise en tenaille entre le désir inaccessible d'appartenir à la petite bourgeoisie et la peur de la délinquance, alors se développent des tensions, des conflits, entre ces différents milieux sociaux. En pleine crise, ses tensions s'intensifient et provoquent la guerre civile.
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Une fois arrivé à ce stade, ce terreau est idéal pour que le fascisme apparaisse comme la solution à la guerre civile, prétendant redresser le pays en rétablissant l'ordre (du capitalisme) par la force. Hélas, il ne fera qu'accentuer et aggraver les tensions qui existent entre ces milieux sociaux.
Le fascisme ce n’est pas ou Macron ou Zemmour ou Lepen, mais bien les conditions réelles qui les ont produit comme individus défendant les intérêts de leur classe sociale : la bourgeoisie capitaliste. Il y a un engendrement réciproque entre le capitalisme et le fascisme. Ce sont les rapports de force des sujets collectifs qui conduisent vers l'un ou vers l'autre.
Rappelons que le fascisme est un concept, une catégorie qui nous permet de penser, ce n'est pas une période historique. Quand on le réduit à une période historique, on passe à côté de ses formes nouvelles qui émergent.
Le fascisme comme roue de secours du capitalisme use donc de la division de la société, du conflit permanent, de la guerre civile afin de maintenir par la force le mode de production actuel.
Il est un processus en œuvre dans l'histoire qui naît, se développe, disparaît, mais qui peut resurgir. Aujourd'hui, on peut reconnaître les formes du nouveau fascisme car le capitalisme est en crise et nos gouvernements font tout pour le sauver de la noyade par l’usage de l'autoritarisme, de la répression et du contrôle.
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En conclusion, on ne peut comprendre le fascisme que comme un processus au sein d'un ensemble plus grand qu'est le moment historique d'un mode de production, y compris dans sa phase impérialiste et belliciste. Certes, la tâche n'est pas une sinécure. Cet article appuyé de la vidéo n'avait pour ambition que d'être une introduction et nous vous invitons à poursuivre la compréhension de ces concepts par une formation poussée à la philosophie et à la politique au sein de notre Institut.
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