picto facebook Institut Humanisme Total picto youtube affranchi IHT picto twitter Institut Humanisme Total picto instagram Institut Humanisme Total picto discord Institut Humanisme Total picto flux rss affranchi
Accueil  ⟩   Théorie  ⟩   Philosophie
Médecine

Refondation thérapeutique : Propositions pour une pratique communiste de la santé

La crise du capitalisme et la crise de la médecine vont de pair. Pour dépasser cette double impasse proposons un nouveau paradigme pour mettre la médecine au service des travailleurs.

Partager
( / )
×
Par Aurélien

Lecture 30 min

Cet article fait partie d'un dossier complet sur la médecine. Les arguments qui y sont développés s'inscrivent donc dans une totalité. CF : le sommaire.

Sommaire :
  1. Les paradigmes capitalistes de la médecine

  2. La crise du COVID-19 comme symptôme de la maladie capitaliste

  3. Qu'est-ce que le vivant ? Un bref horizon des réponses philosophiques et scientifiques

  4. Qu'est-ce que la santé ? De l'anormalité et l'anomalité

  5. Qu’est-ce que la médecine ? La leçon d'Hippocrate

  6. Approches et controverses : L'opposition médecine conventionnelle-non conventionnelle ou allopathique-holistique

  7. La médecine prise en otage : Entre scientisme et pseudo-science

  8. Des lobbys corrompus aux charlatans de province : Conséquences et dérives de la médecine bourgeoise

  9. Darwin complotiste ? Le néo-kantisme contre Darwin

  10. Refondation thérapeutique : Propositions pour une pratique communiste de la santé

Suite du dossier :

La santé constitue un enjeu immense pour la classe révolutionnaire. La division du travail manuel et intellectuel conduit à la spoliation et au harassement du prolétariat jusque dans sa chair. Il doit pour cela conquérir les conditions matérielles préalables à la vie en bonne santé mais également dépasser les contradictions de la médecine bourgeoise dans toutes ses formes.

La tâche est double pour les communistes, il s’agit de proposer une refondation thérapeutique qui réconcilie la politique et la médecine. Nous insistons bien sur cette idée de réconciliation. Une politique de santé communiste ne peut pas se limiter à de simples mesures sociales et inversement une redéfinition des cadres épistémologiques de la pratique médicale ne peut se réaliser seule. Réconcilier la politique et la médecine en tant que communiste c’est revenir au geste hippocratique mais non pas comme un retour en arrière mais plutôt comme la synthèse d’un long processus historique qui intègre et dépasse toutes les avancées qu’a connu la médecine depuis.

Il faut revenir ici sur le fait qu’Hippocrate est contemporain de l’apogée de la démocratie athénienne ainsi que de l’apparition de la philosophie. Il s’inscrit donc dans cette grande période de l’histoire humaine qui fait émerger d’une crise politique importante le fait politique comme quelque chose de commun, où les règles ne sont plus imposées par la tyrannie d’un chef mais comme une décision collective. Cette effervescence du politique donne sens au questionnement socratique et à la construction de l’objectivité dans le dialogue.

L’une des grandes problématiques des philosophes antique tourne autour de l’ataraxie, c’est-à-dire la recherche de l’absence de douleur. Les philosophes de toutes les écoles sont obsédés par les troubles de l’âme et du corps suscités par les diverses impressions sensibles et les désirs qui traversent l’individu. Peu importe leurs divergences doctrinales, ces philosophes cherchent tous à réduire ces troubles et atteindre un état de calme. Pour ce faire, ils font appel à différentes propositions pratiques qui invitent à perpétrer un art de vivre d’après les conclusions tirées de leur activité théorique. Cette façon de voir la philosophie mais surtout de la pratiquer n’est pas si éloignée de la conception hippocratique de la médecine. À vrai dire pour Épicure la philosophie constitue une « médecine de l’âme », il synthétisera sa pensée dans le Tétrapharmakon, « quadruple remède » en grec.

Nous avons dit plus haut que la médecine n’était certes pas une science humaine, mais elle n’en reste pas moins un fait social profondément au cœur de l’humain, animal social par excellence. La médecine n’est jamais auto administrée, elle met toujours en relation un patient et un médecin, même quand celui-ci est intégré sous la forme de connaissances transmises par la communauté, elle est toujours une médiation entre deux êtres nécessairement à l’écoute de l’un et de l’autre.

Le médecin est à l’écoute du consentement et des limites du patient et le patient à l’écoute des conseils avisés du médecin. Cette écoute et la relation de commun accord entre le patient et la médecine est nécessaire à la perpétuation de l’acte médical, ce qui fait de la médecine une discipline fondamentalement philosophique. Faut-il rappeler que la mère de Socrate était sage-femme ?

En clair, le communisme en médecine c’est la synthèse du « droit à la vie » issu du Régime Général de Sécurité Sociale et de la critique théorique des approches médicales en vigueur sous le capitalisme.

Oraison funèbre de PériclèsOraison funèbre de Périclès (Philipp Foltz / Wikipédia)

Si l’action politique est première car elle permet de réaliser la pratique médicale, nous allons néanmoins inverser cet ordre par souci de compréhension, car il faut bien édicter des principes pour savoir quelles actions politiques menées. Pour rappel, nous avions défini la médecine comme une pratique opérant un détour par la science dont l’objectif est la santé que nous avions elle-même définie comme état d’équilibre entre les facultés du vivant et du psychisme ne suscitant pas d’incapacités particulières à partir des limites d’un terrain personnel et en rapport avec une norme théorique fondée sur la moyenne des mesures obtenues par la science. Nous avions défini le vivant comme un équilibre entre la faculté de l’organisme à maintenir des constantes physiologiques (homéostasie) subissant un ensemble de réaction de synthèse et de dégradation chimique (métabolisme).

Notre enjeu est de dépasser les contradictions de la médecine positive, qui s’appuie sur la méthode de la randomisation en double aveugle issue de la méthode scientifique pour administrer à ses patients des médicaments démontrés efficaces pour les traiter, mais qui porte l’inconvénient d’être réductionniste et de ne pas proposer d’approche globale ; et de la médecine holistique qui pose le patient comme une totalité inscrite dans un milieu et qui conçoit la médecine de manière empirique en proposant des traitements adaptés visant à rééquilibrer l’individu, mais qui porte l’inconvénient d’être vitaliste.

Nous devons donc proposer une médecine réellement moniste et scientifique, c’est-à-dire qui voit l’individu comme une totalité physiologique-sociologique-psychologique en s’appuyant sur la conception matérialiste dialectique et historique du vivant et du monde social proposé par Darwin, Marx et Freud de manière dialectique, c’est-à-dire en conservant leurs apports et en dépassant leurs limites.

Il ne s’agit pas de rendre scientifique la médecine holistique en lui ajoutant simplement le plus possible de validation expérimentale mais bien de proposer une nouvelle médecine qui conserve et dépasse la contradiction entre la médecine positiviste et la médecine holistique. Dépasser ne signifie ni se passer, ni additionner.

Portrait d'une infirmière de la Croix RougePortrait d'une infirmière de la Croix Rouge (Gabriel Nicolet / Wikipédia)

Tout d’abord, il faut renouer avec la dimension empirique-pratique de la médecine. Ce qui suppose de toujours partir du patient, c’est lui qui donne son contenu concret à la médecine. Il faut permettre au patient de s’exprimer pleinement et le prendre au sérieux autrement le pacte démocratique entre lui et le médecin ne peut se réaliser. Ce dernier doit donc être à son écoute non seulement vis-à-vis de ce qu’il exprime verbalement mais aussi de ce qu’il manifeste physiquement.

Mais notre empirisme n’est pas un empirisme obtus, car nous reconnaissons que nous pensons toujours à partir des catégories et des représentations a priori à l’expérience et que celles-ci déterminent forcément ses cadres. Néanmoins, il doit être libre et se baser en premier sur la connaissance pratique qu’il a du soin. Le médecin doit donc faire appel à ses connaissances fondées sur la science mais ces dernières ne doivent pas se plaquer sur le réel mais s’y adapter.

Il doit ensuite poser et prononcer un diagnostic au patient et doit en discuter avec lui. Ce diagnostic ne doit pas servir à cibler des symptômes à éliminer mais à établir un bilan de santé qui donne les règles propres à l’individu qui détermineront ensuite la pratique médicale. Son but est de rééquilibrer les facultés de l’organisme de son patient en suivant le principe de l’homéostasie. Il lui donne donc ensuite les consignes nécessaires à appliquer d’un point de vue physiologique et psychologique au patient pour qu’il puisse trouver son équilibre et ne pas tomber malade.

Celui-ci doit donner son accord au médecin pour que la thérapeutique commence. Il doit jauger si le diagnostic révèle des pathologies nécessitant un traitement, si celles-ci peuvent être guéries par une simple rééquilibration de l’individu, ou s’il faut opérer à un ensemble de pratiques diverses. Le médecin doit donc évaluer la capacité de l’individu à se guérir tout seul et administrer des traitements ainsi que des accompagnements extérieurs médicamenteux ou mécanique à la pointe des recherches scientifiques proportionnées à la pathologie et ce, toujours en accord avec le patient.

Remarquons que nous ne nous opposons donc pas aux médicaments et à la technique, bien au contraire, à condition que ceux-ci soient nécessaires, libres et témoignant d’une excellence scientifique et industrielle. Nous ne nous opposons donc pas à l’étude randomisée en double aveugle, nous proposons simplement d’alléger le processus dans les cas d’urgence (un pandémie par exemple ...) où le savoir empirique prime et nous encourageons bien évidemment la recherche à soumettre le plus possible les traitements dits « naturels » à des études obéissant à des normes internationales. Cela permettrait également de poser un cadre à même de structurer et contrôler les médecines alternatives. Mieux vaut former des thérapeute et les faire pratiquer dans des structures d’État que de les laisser à la libre concurrence, au privé voir même à l'économie parallèle.

Le DocteurLe Docteur (Luke Fildes / Wikipédia)

Ce qui s’applique à l’échelle d’un patient individuel vaut aussi pour toute la société. Le médecin a pour rôle de maintenir la santé de la nation toute entière. Il est donc en ce sens un homme politique au sens le plus noble de terme. Il a un rôle profondément politique et des responsabilités à l’égard de la cité et en ce sens la population doit avoir un droit de contrôle sur lui comme sur ses autres représentants. Il doit donc recevoir, comprendre et analyser les demandes et problématiques de santé générales qui se manifestent concrètement dans la société et proposer des mesures pour agir en conséquence.

Mais il doit également prévoir et anticiper sur les maladies pour que celles-ci ne surviennent pas et c’est peut-être là l’une de ses missions les plus importantes. Le médecin se doit d’adopter une approche préventive de la médecine pour minimiser le plus possible les cas relevant d’une approche curative. Les normes d’hygiène, à comprendre au sens large de pratiques alimentaires, sanitaires, physiques, ergonomiques et contribuant au bien-être psychologique, que le médecin conseille pour la société doivent être impérativement suivies car c’est lui qui porte la responsabilité de la survie et de la vie en bonne santé de la nation.

Néanmoins, il faut se prémunir d’une dérive hygiéniste qui consisterait à imposer un diktat à la population. Ces normes doivent être comprises et librement acceptées par tous. Ainsi cela suppose une éducation publique aux principes fondamentaux de la médecine et de l’hygiène physiologique et mentale tout au long de la vie.

Qui dit éducation publique dit service public et donc intervention de l’État. C’est là que l’aspect politique et révolutionnaire de la médecine communiste entre en jeu. La mise en place d’une telle structure médicale nécessite la reconquête de notre souveraineté spoliée par l’Union Européenne. Cela nécessite également une augmentation massive de la part des cotisations sociales attribuées à l’hôpital pour rénover les infrastructures déjà existantes, en ouvrir de nouvelles, salarier mieux et plus de praticiens de santé, ce qui suppose également d’en former plus et ce gratuitement, induisant de fait la fin de la reproduction sociale dans la médecine spécialisée.

La part de PIB socialisée doit donc également augmenter pour financer les caisses de cotisations sociales qui doivent revenir à une autogestion par les travailleurs eux-mêmes, indépendamment du gouvernement, telles qu’elles l’étaient à leur création par les communistes en 1946. Cette augmentation des cotisations sociales, ou salaire socialisé, doit également permettre à terme la généralisation du remboursement à 100% pour toute personne présente sur le territoire national. L’ensemble des infrastructures produisant du matériel médical ou des médicaments doit être nationalisé et soumis à la plus haute exigence en matière d’excellence dans la production.

Mais ce n’est pas tout. L’ensemble de la société doit être restructurée à partir de ces nouvelles normes de santé qui, rappelons-le, ne sont pas une lubie mais la condition même de l’épanouissement de toutes les facultés physiques et mentales de l’individu. Cela veut dire qu’il faut adapter les conditions de travail, et réaménager l’espace ainsi que les transports afin d’à la fois développer la condition physique de l’individu et empêcher sa destruction grâce à l’ergonomie et la baisse du temps de travail.

Il faut également rendre accessible une alimentation de haute qualité à n’importe quel endroit où des personnes seraient susceptibles de prendre leur repas, ce qui demande de repenser totalement le circuit de production et de distribution des marchandises issues de l’agriculture. Pour correspondre aux standards d’excellence que nous devons proposer aux français, cette dernière doit être entièrement réformée progressivement selon des modèles démontrés plus opérants que la mono culture et l’élevage industriel en matière de qualité nutritive, comme la permaculture. Elle doit également être souveraine et indépendante des monopoles et des trusts internationaux du grain.

Tout ceci suppose une reconstruction totale du pays, un dépassement de la contradiction entre la ville et la campagne ainsi que de l’urbanisme néo-libéral hérité du Corbusier qui isole les quartiers par secteurs d’activités mono-tâches. La politique urbanistique des communistes en termes d’hygiène publique doit tendre au déploiement physique et mental de l’individu émancipé de la division du travail. Dans le même secteur déterminé devront cohabiter les services publics, le travail, le logement, la distribution, les loisirs culturels et sportifs ainsi que la production agricole, ainsi seulement pourra éclore l’homme total que nous appelons de nos vœux mais surtout de nos actes.

Enfin, la médecine communiste doit être internationaliste. Nous l’avons signalé en introduction, Cuba, le Venezuela et la Chine se sont illustrés tout au long de la crise du COVID-19 par leur coopération active auprès de nombreux peuples pour faire face au virus. Au fond de notre communisme repose la conviction en un humanisme profond qui nous oblige d’une mission à l’égard du genre humain. On pense également à la levée des brevets dont on mesure aujourd'hui la nécessité vis à vis des vaccins contre le COVID-19 monopolisé par les pays occidentaux.

Le « droit à la vie » communiste doit triompher contre le thanatos capitaliste.

Ainsi, la médecine constitue un enjeu anti-impérialiste et anticolonial. Fidel Castro disait : « Notre pays ne largue pas des bombes sur d'autres peuples. [...] Notre pays ne possède pas d'arme nucléaire ni d'arme chimique ni d'armes biologiques. [...] Les dizaines de milliers de scientifiques que compte notre pays, ses médecins, ont été sensibilisés à l'idée de sauver des vies. Des dizaines de milliers de médecins cubains ont prêté leurs services internationalistes dans les endroits les plus reculés et les plus inhospitaliers. »

fond blanc

Extrait discours de Fidel Castro à la faculté de droit de l'Université de Buenos Aires le 26 mai 2003.

Les principes de la nouvelle médecine libérée des carcans capitalistes que nous soumettons au débat, à titre d'hypothèses de travail, sont ceux de la médecine hippocratique réactualisés à l’aune de la recherche, de la technique et des conditions historiques actuelles en France :

Si le capitalisme est la maladie du genre humain, le communisme en est le remède.

Ambroise Croizat père du Régime Général de Sécurité SocialeAmbroise Croizat père du Régime Général de Sécurité Sociale (Rouge Production / Wikipédia)

Revenir à la conclusion : Les paradigmes capitalistes de la médecine

Montage lobby pharmaceutique et pseudo scienceMontage lobby pharmaceutique et pseudo science (Affranchi / Affranchi)

Partager
Mots clés
À la Une

Écologisme et sacré : le cas d'Extinction Rebellion

Barrès en héritage

Qui sommes-nous ?
L'Affranchi IHT est le média de
l'Institut Humanisme Total
En savoir plus
Soutiens-nous
Finance ton média
affranchi de l'idéologie dominante
Faire un don
picto facebook Institut Humanisme Total picto youtube affranchi IHT picto twitter Institut Humanisme Total picto instagram Institut Humanisme Total picto discord Institut Humanisme Total
cours et formations Institut Humanisme Total formations politiques et cours de philosophie marxiste loic chaigneau
Forme-toi
Pour transformer ta compréhension
de l'information
Institut
Rejoins-nous
Adhère à l'Institut Humanisme Total
à partir de 10€ par an
Adhérer
Philosophie

Du déracinement des identitaires au ré-enracinement des communistes

L'État selon Michel Clouscard

Plus d'articles
LES PLUS LUS
bibliographie conseils de lecture Institut Humanisme Total bibliothèque Voir la bibliothèque livres librairie Institut Humanisme Total bibliothèque Acheter les livres Marx FM Podcast marxiste marx communisme Institut Humanisme Total Écouter Marx FM
picto formation diplome picto vidéos picto i picto theorie picto actualites